Réflexions politiques
"La liberté enfante l'anarchie, l'anarchie conduit au despotisme et le despotisme ramène la liberté" Honoré de Balzac
Mais où en sommes-nous, où en sont les grandes démocraties occidentales du grand cycle de la politique ainsi exposé, tenant compte de notre nature profonde?
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A en juger par le climat politique délétère, par la déliquescence des institutions minées par les affaires, par les insultes faîtes au droit comme à la Justice, par les atteintes à l'intégrité des Républiques et des pactes qui les fondent, certains pensent, non sans raisons, qu'on en est au second stade.
Certes, le contexte est bien celui là. Pourtant, il semble que nous en soyons au-delà du deuxième stade.
Le despotisme est déjà là, qui a pris la forme des marchés aveugles et tyranniques (voir l'analyse de Jacques Attali sur ce point), mais aussi celle de pouvoirs démocratiques qui tentent, au nom de l'efficacité (au demeurant jamais prouvée), de confisquer le débat démocratique.
Un symbole absolu de cela: la ratification du traité constitutionnel européen par voie parlementaire et non par voie référendaire, y compris lorsque les peuples concernés ont voté négativement. La voie des peuples, au fondement de la légitimité de tout pouvoir démocratique, a alors été foulée aux pieds. La boite de Pandore était ouverte: on entend désormais faire le bien des peuples européens contre leur volonté. Il semble devenu presque impropre de parler de démocratie. Mieux vaut sans doute évoquer un despotisme technocratique.
Idem sur le plan national avec une confiscation du débat démocratique, un récurrent passage en force à l'Assemblée, ou avec des consignes de vote qui ne laissent plus le débat démocratique se déployer (on pourra repenser par exemple à l'adoption de la dernière réforme des retraites en 2010).
A quoi il convient d'ajouter que puisque "la politique ne se fait pas dans la rue", on ne prête plus aucune attention à l'expression informelle mais légitime des citoyens. Il s'agit désormais de faire le bien des français contre leur avis. Nous ne prenons ici qu'un exemple, mais il en est presque autant que de textes de loi.
Sans même parler, toujours en France, d'une négation de nos institutions à travers notamment la profonde dénaturation de la fonction de Premier Ministre, sans pour autant qu'il y ait eu réforme constitutionnelle sur ce point. Le Chef de l'Etat se conduit et conduit alors la Nation en véritable despote, incarnation moderne du Président Monarque. Si formellement la démocratie demeure, en revanche et du point de vue de la vie des institutions, la dérive despotique est marquée, qui tend subrepticement vers une captation et une désolidarisation du pouvoir légitime d'avec sa source comme d'avec ses fins.
On notera également qu'il existe une juxtaposition des despotismes, qui se cumulent: le despotisme des marchés s'impose aux Etats et aux chefs d'Etat qui deviennent dociles, au mépris des intérêts de leurs propres peuples. Pour ce faire, ils imposent une tyrannie de l'austérité au mépris de la croissance qui accentue encore un peu plus les déséquilibres structurels. Et comme il n'existe pas de véritable consensus, cette austérité n'est pas vraiment débattue, et se trouve imposée à coup de lois de finances rectificatives (telle celle mise en oeuvre par la France suite à la crise de la zone euro aux second et troisième trimestre 2011, traduite dans la dégradation de la notation de banques, la menace planant sur celle des Etats). Nécessité économique fait en ce cas force de loi démocratique. Le politique se faisant le relais du despotisme économique.
D'un mot le despotisme est là, effectif, odieux. Mais nous n'en sommes pas encore et pour autant au "despotisme qui ramène la liberté", pour reprendre le propos de Balzac.
Plus rigoureusement, en nous sommes plutôt au point de bascule entre le second et le troisième stade.
Un symptôme social de cela: la croissance des mouvements des "indignés", quel que soit le nom qu'ils prennent, un peu partout en Europe. Un mouvement qui ne cesse d'enfler et que les politiques d'austérité vont mécaniquement alimenter. La gestion des dettes publiques sans croissance engendrant inéluctablement une paupérisation intenable. Nous y sommes.
Un symbole encore: le Sénat qui pour la première fois sous la Vème République, vient de basculer à Gauche. Les outils de cette forme de despotisme (un Sénat qui se comporte comme une chambre d'enregistrement de l'Exécutif, au lieu d'amender et de débattre au fond des projets de lois, pour le symbole choisi - même s'il s'agit d'une assemblée démocratiquement élue) commencent à ne plus fonctionner. Idem avec la fronde des magistrat qui sont de plus en plus las et indignés des insinuations, tentatives de neutralisation, immixtions, intrusions de l'Exécutif. Etc.
Tout l'édifice tremble donc. Y compris l'édifice institutionnel. D'où notre analyse en termes de point de bascule.
Maintenant, à la différence de Balzac, nous ne croyons nullement à un quelconque retour à la dangereuse utopie de l'anarchie, lorsque les évènements traduisent à présent et également la nécessaire réaffirmation de la liberté et des principes féconds qu'elle engendre. Ce ne serait en ce sens pas un mince et paradoxal avantage de la dérive politique comme du désordre économique, et du (des) despotisme qui en résulte, que de nous ramener à une aspiration ainsi qu'à des formes plus raisonnées et plus élaborées encore de liberté. Un nouveau défi pour la liberté en somme. Une façon sans doute de briser le cercle.