La vie comme elle va. Un soir de 31 Décembre
(Le 31/12/2011, à la lecture de mon flux Facebook, alors que chacun s'apprête à passer un moment joyeux)
Lit plein de choses ici, en un jour comme les autres, à tout prendre. Et pourtant.
Des choses contradictoires, c'est inévitable. Paradoxales, parfois. Qui interpellent, quasiment toujours.
Ne peut s'empêcher de voir dans le flux qui court inexorablement sur cette page, à quel point la peur de l'abîme est proche de l'espérance de la Lumière. L'angoisse existentielle voisine du désir de s'abandonner de façon confiante. La tentation égoïste voisine de la générosité et de l'altruisme les plus palpables.
Et peu importe les âges, sexes, les cultures, les religions. Les différences, car l'homme est un.
Repense, on voit bien pourquoi, à ce SDF, Vicky, puissant et douloureux symbole dont la presse s'est fait l'écho cette semaine, mort seul pendant qu'ailleurs la joie irradiait.
Ceci coexistant avec cela. A chaque fois. Inexorablement.
Et songe tout à coup à ce qui suit. Qui dit si bien ce qu'il est vraiment permis à l'homme d'espérer de façon raisonnable, sans naïveté aucune. Au-delà de l'optimisme béat comme du scepticisme stérile, les renvoyant dos à dos.
Songe que tout ceci ne dépend ni d'un hypothétique destin, ni de Chronos qui ne sera jamais autre que la bête avide dévorant ses enfants qu'il est.
Mais que tout est en le pouvoir de l'homme. Un pouvoir vertigineux.
Le texte de Jammes n'étant pas tant ni d'abord tourné vers une transcendance qui dispensera de se poser les vraies questions, d'effectuer les véritables remises en cause, et d'oeuvrer à vues humaines, tout en étant pétri d'imploration. Mais pointant vers le coeur qui nous fait vibrer à l'unisson de l'univers tout entier.
En un jour où nous parlons et pensons à l'avenir, précisément.
Que le temps qui vient soit chaque jour un peu plus celui de l'accomplissement de l'humanité véritable de chacun. Et par là même, de notre humanité commune. Mes amis. Mes frères.
*
Par le petit garçon qui meurt près de sa mère
Tandis que des enfants s'amusent au parterre;
Et par l'oiseau blessé qui ne sait pas comment
Son aile tout à coup s'ensanglante et descend
Par la soif et la faim et le délire ardent:
Je vous salue, Marie.
Par les gosses battus par l'ivrogne qui rentre,
Par l'âne qui reçoit des coups de pied au ventre
Par l'humiliation de l'innocent châtié,
Par la vierge vendue qu'on a déshabillée,
Par le fils dont la mère a été insultée:
Je vous salue, Marie.
Par la vieille qui, trébuchant sous trop de poids,
S'écrie: "Mon Dieu!" Par le malheureux dont les bras
Ne purent s'appuyer sur une amour humaine
Comme la Croix du Fils sur Simon de Cyrène;
Par le cheval tombé sous le chariot qu'il traîne
Je vous salue, Marie.
Par les quatre horizons qui crucifient le Monde,
Par tous ceux dont la chair se déchire ou succombe,
Par ceux qui sont sans pieds, par ceux qui sont sans mains,
Par le malade que l'on opère et qui geint
Et par le juste mis au rang des assassins:
Je vous salue, Marie.
Par la mère apprenant que son fils est guéri,
Par l'oiseau rappelant l'oiseau tombé du nid,
Par l'herbe qui a soif et recueille l'ondée,
Par le baiser perdu par l'amour redonné,
Et par le mendiant retrouvant sa monnaie:
Je vous salue, Marie.
LA PRIÈRE
Francis Jammes
Que l'on pourra relire en écoutant ceci, par exemple. Par la voix d'un autre poète qui aura lui aussi exploré les mondes, nous guidant en quelque façon.