jeudi 29 septembre 2011

Du despotisme et de la liberté au temps présent




Réflexions politiques


"La liberté enfante l'anarchie, l'anarchie conduit au despotisme et le despotisme ramène la liberté" Honoré de Balzac


Mais où en sommes-nous, où en sont les grandes démocraties occidentales du grand cycle de la politique ainsi exposé, tenant compte de notre nature profonde?

*

A en juger par le climat politique délétère, par la déliquescence des institutions minées par les affaires, par les insultes faîtes au droit comme à la Justice, par les atteintes à l'intégrité des Républiques et des pactes qui les fondent, certains pensent, non sans raisons, qu'on en est au second stade. 

Certes, le contexte est bien celui là. Pourtant, il semble que nous en soyons au-delà du deuxième stade. 

Le despotisme est déjà là, qui a pris la forme des marchés aveugles et tyranniques (voir l'analyse de Jacques Attali sur ce point), mais aussi celle de pouvoirs démocratiques qui tentent, au nom de l'efficacité (au demeurant jamais prouvée), de confisquer le débat démocratique.

Un symbole absolu de cela: la ratification du traité constitutionnel européen par voie parlementaire et non par voie référendaire, y compris lorsque les peuples concernés ont voté négativement. La voie des peuples, au fondement de la légitimité de tout pouvoir démocratique, a alors été foulée aux pieds. La boite de Pandore était ouverte: on entend désormais faire le bien des peuples européens contre leur volonté. Il semble devenu presque impropre de parler de démocratie. Mieux vaut sans doute évoquer un despotisme technocratique.

Idem sur le plan national avec une confiscation du débat démocratique, un récurrent passage en force à l'Assemblée, ou avec des consignes de vote qui ne laissent plus le débat démocratique se déployer (on pourra repenser par exemple à l'adoption de la dernière réforme des retraites en 2010).
A quoi il convient d'ajouter que puisque "la politique ne se fait pas dans la rue", on ne prête plus aucune attention à l'expression informelle mais légitime des citoyens. Il s'agit désormais de faire le bien des français contre leur avis. Nous ne prenons ici qu'un exemple, mais il en est presque autant que de textes de loi.

Sans même parler, toujours en France, d'une négation de nos institutions à travers notamment la profonde dénaturation de la fonction de Premier Ministre, sans pour autant qu'il y ait eu réforme constitutionnelle sur ce point. Le Chef de l'Etat se conduit et conduit alors la Nation en véritable despote, incarnation moderne du Président Monarque. Si formellement la démocratie demeure, en revanche et du point de vue de la vie des institutions, la dérive despotique est marquée, qui tend subrepticement vers une captation et une désolidarisation du pouvoir légitime d'avec sa source comme d'avec ses fins.

On notera également qu'il existe une juxtaposition des despotismes, qui se cumulent: le despotisme des marchés s'impose aux Etats et aux chefs d'Etat qui deviennent dociles, au mépris des intérêts de leurs propres peuples. Pour ce faire, ils imposent une tyrannie de l'austérité au mépris de la croissance qui accentue encore un peu plus les déséquilibres structurels. Et comme il n'existe pas de véritable consensus, cette austérité n'est pas vraiment débattue, et se trouve imposée à coup de lois de finances rectificatives (telle celle mise en oeuvre par la France suite à la crise de la zone euro aux second et troisième trimestre 2011, traduite dans la dégradation de la notation de banques, la menace planant sur celle des Etats). Nécessité économique fait en ce cas force de loi démocratique. Le politique se faisant le relais du despotisme économique.

D'un mot le despotisme est là, effectif, odieux. Mais nous n'en sommes pas encore et pour autant au "despotisme qui ramène la liberté", pour reprendre le propos de Balzac.
Plus rigoureusement, en nous sommes plutôt au point de bascule entre le second et le troisième stade.

Un symptôme social de cela: la croissance des mouvements des "indignés", quel que soit le nom qu'ils prennent, un peu partout en Europe. Un mouvement qui ne cesse d'enfler et que les politiques d'austérité vont mécaniquement alimenter. La gestion des dettes publiques sans croissance engendrant inéluctablement  une paupérisation intenable. Nous y sommes.

Un symbole encore: le Sénat qui pour la première fois sous la Vème République, vient de basculer à Gauche. Les outils de cette forme de despotisme (un Sénat qui se comporte comme une chambre d'enregistrement de l'Exécutif, au lieu d'amender et de débattre au fond des projets de lois, pour le symbole choisi - même s'il s'agit d'une assemblée démocratiquement élue) commencent à ne plus fonctionner. Idem avec la fronde des magistrat qui sont de plus en plus las et indignés des insinuations, tentatives de neutralisation, immixtions, intrusions de l'Exécutif. Etc.

Tout l'édifice tremble donc. Y compris l'édifice institutionnel. D'où notre analyse en termes de point de bascule.
Maintenant, à la différence de Balzac, nous ne croyons nullement à un quelconque retour à la dangereuse utopie de l'anarchie, lorsque les évènements traduisent à présent et également la nécessaire réaffirmation de la liberté et des principes féconds qu'elle engendre. Ce ne serait en ce sens pas un mince et paradoxal avantage de la dérive politique comme du désordre économique, et du (des) despotisme qui en résulte, que de nous ramener à une aspiration ainsi qu'à des formes plus raisonnées et plus élaborées encore de liberté. Un nouveau défi pour la liberté en somme. Une façon sans doute de briser le cercle.





lundi 26 septembre 2011

Facebook, le réseau qu'on ne quitte pas. Quoi qu'il en soit.





Le temps est à la grogne chez bon nombre d'utilisateurs de Facebook: modification de l'interface; nouvel ordre imposé pour la présentation des posts, liens, statuts; introduction de la boîte "Télex" qui fait défiler et rend publiques (elles l'étaient déjà auparavant), mais surtout immédiatement visibles et accessibles toutes les interactions de tous les amis; introduction de la Timeline, cette nouvelle organisation du profil de l'utilisateur concrétisation de l'adage "Toute votre vie sur les réseaux sociaux", mis en avant par Mark Zuckerberg lui-même lors de la conférence F8. 

Autant de modifications souvent ressenties comme des agressions ou des empiétements sur la vie privée. Comme de véritables intrusions. Comme l'expression de la soumission imposée à la logique d'une entreprise qui ne semble guère se soucier du ressenti de ses premiers "clients", ceux qui créent le contenu. 
Le vécu étant d'autant plus négatif que les options de configuration ou de paramétrage pour modifier les réglages par défaut, allant tous dans le sens de la dimension "publique" du profil comme des interactions, ne sont pas d'emblée accessibles. Il faut les trouver ailleurs ou les recueillir auprès des autres internautes.

Grogne, donc. Mais jusqu'à quel point? Jusqu'à quitter le réseau social numéro un, comme certains le disent ou menacent sur leur mur ou dans les commentaires sur le sujet des modifications, exaspérés? 
De notre point de vue, il n'en sera rien. Mais ceci souligne une autre nécessité vitale s'agissant du web 2.0, du web tout simplement, et de son avenir.

 Bref état des lieux. 

Certes, Facebook est un réseau social très intrusif. Et malgré toute les réticences et la grogne constatés, le sera de plus en plus, par nature, culture et principe. La pression concurrentielle n'y changera rien, qui le pousse à intégrer presque en temps réel le meilleur des autres réseaux. Sans pour autant changer sa culture d'entreprise.

A observer très attentivement ce qui se passe, une migration des 800 millions d'utilisateurs, ou même d'une fraction significative d'entre eux, est rigoureusement improbable. La venue de Google +, son concurrent désigné, nonobstant sa considérable potentialité  professionnelle n'étant pas de nature à changer quoi que ce soit à l'hégémonie de Facebook, qui se trouve même confirmée. 

Car le nouveau réseau social de Google souffre de 3 handicaps pour les "particuliers": 

Tout d'abord, l'absence d'antériorité. La prime au premier entrant va incontestablement à Facebook. Tel est le fait. C'est sur Facebook que les utilisateurs se sont socialement déployés de façon virtuelle à très grande échelle. La surface atteinte par le réseau, sa dimension universelle, les habitudes contractées en son sein sont autant d'éléments qui pèsent très lourd dans le choix de migrer ou non vers un autre réseau. Il est peu probable que les internautes dans leur ensemble (hors utilisateurs professionnels, geeks et spécialistes) aient la patience de basculer ou dupliquer sur Google + leur réseau tel que constitué sur Facebook. Un signe de cette résistance à la migration: la faiblesse des interactions actuelles pour ceux qui s'essaient à titre personnel sur Google +; la modestie du nombre de posts; le fait que les cercles ne reconstituent pas même l'effectif d'amis présents sur Facebook. 

En second lieu, la crainte de la "Googlisation". Car si Google est plébiscité comme un moteur redoutable de pertinence, la société elle apparaît également comme "le grand méchant moteur qui indexe tout". Les déclarations d'Eric Schmidt devant la commission ad hoc du Sénat s'interrogeant sur les pratiques concurrentielles de la firme de Mountain View n'auront d'ailleurs rassuré ou convaincu personne. 
Certes, il est aisé de critiquer Google. Comme si Facebook n'indexait rien, lui! Ultime manifestation pour couper court à tout manichéisme, le fait qu'un blogueur australien vient de démontrer que le réseau social leader continuait de suivre au moyen de cookies les pérégrinations sur la toile de ses anciens utilisateurs

Il y a incontestablement de quoi s'émouvoir encore davantage, et ne pas considérer que critiquer Google dispense de reconnaître les mauvaises pratiques de Facebook. Mais la perception est essentielle: il suffit à tout un chacun de taper son patronyme dans Google pour constater à quel point peu de choses échappent à l'algorithme et aux robots qui "crawlent" inlassablement le web. A la captation universelle des traces laissées sur le web. D'où une possibilité de rejet presque viscéral de la part des internautes, d'une indexation universelle aux mains d'une seule entreprise qui fait tous les métiers du web et sait tout sur tout et surtout sur tous. On peut détester Facebook sans pour autant avoir la moindre envie de se précipiter dans les filets virtuels de Google. Et ce même si l'écart se réduit de façon accélérée quant au volume de data, big data et autres méta-données sur les utilisateurs, dont disposent les deux géants

En troisième lieu, vient le besoin de spécialisation des réseaux. Même s'il existe des arguments pour, et des défenseurs du grand réseau social universel, qu'on le veuille ou non, l'ère est à une spécialisation des réseaux sociaux. Google + pour les professionnels; Facebook pour l'ensemble des utilisateurs et un usage personnel; Twitter avec un usage technique dédié (professionnel; journalisme; spécialistes des médias sociaux; marketeurs) et un usage citoyen (l'immédiat; la réaction; le temps réel; la couverture de l'évènement, qu'il soit fait divers ou historique); LinkedIn pour le réseautage professionnel, pour ne citer que 4 géants.
Pourquoi aller reconstituer sur Google + ou ailleurs un tissu social alors que le partage des rôles, voire du marché, semble déjà si déterminé? Et somme toute avec autant de pertinence et d'efficacité.

Ainsi, et en dernier ressort, qu'on "aime" Facebook ou pas; qu'on se sente agressé par ses innovations, ses intrusions, son absence de transparence et paradoxalement son insupportable idéologie de la transparence, voire sa tyrannie, peu importe. On voit très mal les internautes migrer pour reproduire "le même" ailleurs. On ne pourra désormais pas plus quitter Facebook, sauf à se couper délibérément d'une fraction gigantesque du champ social virtuel. Sauf réaction très épidermique, on voit mal qui retiendrait cette option fort peu sensée. Les relations amour/haine avec Facebook ne sont de toute évidence pas prêtes de cesser. Sans pour autant que l'hégémonie du réseau social sur son segment spécifique soit remise en cause.

Néanmoins, il semble essentiel de trouver les moyens de commencer à peser fortement, au nom de principes démocratiques, sur les évolutions de Facebook et la façon de les implanter ou non. Ce que recouvre (ou devrait recouvrer) précisément, "la gouvernance du web". Là est le travail désormais. Mais il semble bien difficile de distinguer des acteurs ayant cette conscience des enjeux (ou les moyens de leur action) qui tienne compte à la fois de la réalité technique, concurrentielle, démocratique, sociétale, économique. 

Là se trouve pourtant le véritable chantier. Bien plus que dans le rejet de telle ou telle fonctionnalité ou ergonomie, fut-elle paramétrable, qui ne fait que préfigurer un "1984 virtuel" bien plus préoccupant si l'on ne change pas de niveau d'analyse. Et si l'on n'élabore pas un véritable cadre légal (et pas seulement un environnement non contraignant de bonnes pratiques) international.

Les internautes n'en ont pas fini de critiquer Facebook. Sans pour autant l'abandonner. La montée de Google + ne devrait rien changer à l'affaire. Mais l'exigence de gouvernance, elle, constitue plus que jamais un enjeu majeur.





Des Variations Goldberg et de leur interprétation par Glenn Gould en 1981




25/09/1932 - 04/10/1982 - Gould aurait eu 79 ans. Le métronome s'est arrêté sur 50. Hommage.

Gould est sans doute l'un des très rares musiciens qui ont poussé aussi loin l'art de l'interprétation. Une création dans la création. Une re-création. Où l'interprète n'a aucune légitimité pour détourner l'oeuvre à son profit et doit s'effacer. Où la compréhension et la mise en avant de la structure commandent tout mais se résolvent dans la perfection de la simplicité et de l'évidence. Où l'intelligence et la sensibilité fusionnent définitivement. 

C'est sans doute comme cela que Bach doit être joué. C'est cela l'intelligence musicale. La musique, un point privilégié de convergence de l'art et de la métaphysique. De la mystique même (au sens strict: l'exploration du "mystère", de ce qui se tait). 

Et ici, un Aria de 2:54 qui livre, pour l'éternité, tout Gould, tout Bach, tout le mystère de l'homme, de l'univers, de la création. Gould a touché et nous fait toucher ceci: l'Alpha et l'Oméga. Voilà pourquoi il a enregistré pour la deuxième fois les Goldberg en 1981, après l'avoir fait en 1955. Son legs à la conscience universelle. Et pas seulement à la musique. 

Comment, en 32 variations, développer toute la création, explorer toute la palette de l'émotion humaine, faire la synthèse parfaite des styles, délivrer une traduction musicale de l'ancien et du nouveau testament tout en dépassant définitivement tout prisme religieux (une gageure!), réhabiliter la transcendance et renouveler la puissance de l'immanence, nous projeter dans le cosmos tout en nous rendant plus présents au monde. 

Gould aura mis 50 ans pour en arriver là. A la façon d'une ascèse. A la façon d'une élévation spirituelle, dont l'excentricité et la relation à son propre corps et au corps d'autrui n'étaient que le symptôme problématique. A la façon d'une introspection musicale qui a littéralement consumé la relation au monde physique tant l'art avait envahi tout le champ de la conscience, et au-delà. A la façon d'un amour de l'humanité qui, comme celui de Beethoven, ne pouvait plus, dans un paradoxe fécond, laisser de place à l'amour des hommes. A la façon d'une conception de l'art poussée si loin, aux frontières de la matière comme de la forme sonores, qu'elle pouvait presque, dans l'absolu, se passer de l'interprétation (l'idée est de Gould).

Saint-Augustin définissait la paix comme "la tranquillité de l'ordre". Avec cet Aria des Goldberg en 1981, Gould montre qu'il a vu la lumière, l'ordre du monde dans ce qu'il a de plus intime, et nous les livre en partage, totalement. 

Tout est accompli. Et cette oeuvre est auprès de nous, pour nous, qui nous montre un chemin vers l'univers et l'humanité tout entiers.




dimanche 25 septembre 2011

Le Sénat bascule... et la Règle d'or vacille!




Ainsi donc la Gauche vient-elle, de façon historique, de réunir la majorité absolue aux élections sénatoriales, changeant la couleur de la chambre haute. Une première depuis la naissance de la Vème République.

Au-delà des commentaires à chaud sur les conséquences pour le Président et la prochaine présidentielle, juste un point de droit qui constitua ma première réaction. Et une mise en perspective qui me semble beaucoup plus importante que les prévisions pour 2012, la parlante minimisation que propose le patelin Jean-Pierre Raffarin, ou même certaines marques de satisfaction de la Gauche qui ne sont pas centrées sur le processus législatif et le rôle peut être retrouvé et renouvelé du Sénat.

On a présent à l'esprit que Nicolas Sarkozy entendait faire valider la "Règle d'or" et "la graver dans le marbre de la constitution". Mais pour atteindre cet objectif, s'agissant d'une procédure de révision constitutionnelle, l'obligation s'impose de réunir le Parlement en Congrès et d'obtenir la majorité des trois cinquièmes. 

Par cette victoire même d'une courte tête avec 175 sénateurs (sur 348), la Gauche vient de toute évidence de porter un très rude coup à toute ardeur réformatrice sur le sujet de la Règle d'équilibre budgétaire souhaitée par le Chef de l'Etat. Il semble en effet désormais plus que risqué, sinon arithmétiquement inenvisageable, de convoquer le Parlement en Congrès, a fortiori au regard de l'affolement des parlementaires de la majorité et du porte à faux  électoral dans lequel les place l'affaire dite de Karachi. La discipline de vote et l'autoritarisme de JF Copé ne font pas tout. 

On se félicitera sans aucun doute de cet effet induit par la perte de la majorité absolue de la droite au Sénat survenue ce jour.

PS: Au lendemain des élections, dans la bouche de certains élus UMP, sur le sujet de la Règle d'or: "C'est mort". Dont acte.





vendredi 23 septembre 2011

Du travail, du langage et de la désocialisation




Réflexions sur l'entreprise

Langage et travail

Avez vous remarqué qu'à présent, on ne "travaille" plus "pour", ou "chez". On ne "collabore" plus à; on ne "réalise" plus une mission "pour"; on n' "est" plus en mission auprès de. 

On "intervient". 

Le grand mot est lâché. "J'interviens comme"; je suis présent en tant qu' "intervenant" pour/auprès de, etc. 

Mais encore? C'est en réalité la parfaite expression de la distance du sujet à la tâche, à la fonction, à l'entreprise. Intervenir c'est "être là pour" mais "ne pas faire partie de". Le symbole parfait de l'utilitarisme économique bilatéral. La dé-réalisation et la dé-socialisation du travail. 

A "intervenir" professionnellement partout, on finit par être nulle part et avec personne. L' "intervention" ou la fin du travail dans sa capacité d'intégration.







Remerciements Quidam Production pour la photographie

J'ai mal à ma République! Réflexions sur la politique d'un point de vue médical




Réflexions politiques



Il y a des jours où, faisant mes revues de presse successives au fur et à mesure que la journée avance, j'ai mal à ma République.

Et bien aujourd'hui, avec cette affaire dite de Karachi (ici pour le résumé; pour le grand faux-pas élyséen; et  encore pour les derniers développements avec l'implication de Brice Hortefeux), j'ai incontestablement très mal à ma République. Il s'agit même d'une crise aiguë. 

Mais le problème est qu'il n'y a ni médecin urgentiste; ni médecin de garde; ni aucun, absolument aucun, praticien compétent et disponible pour prendre en charge cette pathologie là au regard de son extension et de sa gravité. 

La question devient alors: Peut-on vivre durablement avec une telle pathologie? Personnellement je n'y crois pas. Dès lors...

*

Bref état des lieux informel en continuant de filer la métaphore médicale.

Certains diront que l'intervention chirurgicale est programmée pour le mois d'Avril 2012.

L'opération s'impose en effet. Il faut en un premier temps éliminer la tumeur maligne. C'est une évidence. Car à présent, le pronostic vital est engagé. 

Mais hélas, au regard des divers protocoles de soins proposés, force m'est de penser que les récidives vont être multiples. Pas tant sur la question de la moralité de la République (on ne peut pas faire plus nauséeux; plus irrespectueux de la séparation des pouvoirs; plus méprisant des citoyens; etc.) que sur la question des vrais choix de société. En relation directe avec le contexte économique européen et mondial. 

Certes, j'entends ici ou là, parmi ces médecins remplaçants, certaines propositions de traitement (y compris institutionnelles dans et hors la France) adaptées. Mais quelle détermination pour faire face aux pressions économiques et financières européennes et internationales? Quelle aptitude à réhabiliter le politique? Quelle aptitude à redonner sens et réalité aux valeurs fondatrices de la République dans un contexte économique très dégradé? 
Je ne saurais m'en remettre sans réserve à ces nouveaux médecins là. Tout en souhaitant que le changement de personnel médical permette au patient non pas seulement de survivre, mais de retrouver si possible un peu (si ce n'était que cela) de sa santé.


Nombreux seront profondément interpellés par la façon dont les affaires apparaissent. Et constateront le caractère délétère du climat politique.

La défiance des magistrats à l'égard de leur hiérarchie a en effet pris des proportions considérables au fil du temps et des affaires. Et le nombre grossit de ceux qui, lassés des pressions et soucieux de contourner les consignes de leur hiérarchie au nom des valeurs démocratiques auxquelles ils adhèrent (il y en a), font fuiter juste ce qu'il faut d'éléments en direction de la presse, pour que la mécanique de l'information et de la découverte du scandale s'enclenche. C'est dire la gangrène qui touche le pilier de la séparation des pouvoirs. 

Signe des temps encore les nombreux exemples, y compris dans l'actualité la plus récente avec l'abandon des poursuites contre Jacques Chirac dans l'affaire des emplois fictifs, d'une justice de classe qui confirme s'il en était besoin la célèbre sentence de La Fontaine: "Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir".  Et qui jette le discrédit sur l'institution judiciaire.


Mais dans le même temps, on assiste à une "montée" de la conscience citoyenne: ce sont les citoyens qui sont effrayés que l'on touche ainsi au socle républicain, chacun avec et en fonction de sa culture. Le quasi permanent déni de justice renforçant cette conscience. Les peuples (il n'y a pas que la France) semblent donc en cela beaucoup plus responsables que leurs dirigeants et leurs élites, coupés de la réalité. 

Ce sont les médecins eux-mêmes qui ne se lavent pas les mains et véhiculent les maladies nosocomiales dont souffre la République. Le patient, lui, dans un environnement sain, possède des fondamentaux biologiques qui restent le meilleur atout de sa guérison.


Quid de l'émergence d'une nouvelle forme de conscience citoyenne?

Peut-être sommes-nous tous en réalité, sur Facebook, sur Twitter, sur les réseaux sociaux en général et ailleurs sur le Net (sur les blogs par exemple), en train de donner corps à une nouvelle forme de citoyenneté. Ou à tout le moins une nouvelle forme de conscience citoyenne, qui dépassera le stade de l'imprécation ou de la plaisanterie pour tenter de contribuer à l'élaboration de véritables solutions, en reléguant dans l'oubli les docteurs Diafoirus qui ont jusqu'ici largement monopolisé les médias traditionnels. 

2012 sera, en France, la première élection présidentielle à l'ère Facebook. Voilà qui devrait peut être introduire une rupture profonde. L'électeur sera sans doute beaucoup moins sensible à un certain discours formaté écho du prêt à penser électoral qui ne manquera pas de se déverser à jets continus via les grands médias télévisés. Si TF1 avait été un précieux allié pour Nicolas Sarkozy en 2007, le Président sortant aura certainement beaucoup de mal à rééditer son rapt médiatique dans quelques mois.

Ce contexte du déploiement du web 2.0 constitue un aspect central de la nouvelle donne politique. Certes, les réseaux sociaux sont encore pour partie des réceptacles d'impressions, de réactions, de sarcasmes. Toutes réactions éloignées de la participation à un véritable débat politique comme de la structuration d'une conscience politique. Mais ils sont aussi le lieu de l'émergence d'un politique 2.0. (abordé ailleurs sur ce blog. Voir par exemple "Politique 2.0: encore un effort Mesdames et Messieurs les députés!"). 

Ces réseaux ne sont donc pas à maturité, loin s'en faut, mais constituent néanmoins un nouvel espace de réalisation et d'exercice de la citoyenneté. Les politiques devant eux-mêmes comprendre que la démocratie 2.0 (avec sa difficulté conaturelle s'agissant de la tentation de la démocratie d'opinion) se forge et se déploie sur les dits réseaux sociaux. Ils en sont encore très loin (y compris certains médecins remplaçants qui font sur le sujet des déclarations édifiantes). 

Reste que de même qu'Obama par exemple a imposé la culture des réseaux sociaux dans le champ politique, le prochain chef de l'Etat français surgira simultanément d'avec l'ancrage irréversible des réseaux sociaux dans nos pratiques sociétales. Et donc politiques. Ce qui change tout. Terminé la communication verticale diffusée avec un (ex) grand média TV complaisant voire aux ordres (quelles que soient les tentatives, connues ou pas). Le web 2.0 est devenu un élément structurant de la communication et de la pensée citoyenne. Ce qui est inédit. Et certainement prometteur.






De l'éducation, de l'échange interpersonnel et de l'enfantement de soi





Instantané. De lumière.

Le père, à propos d'un sujet sérieux, avec sincérité:
- C'est très bien ce que tu fais. Vraiment très bien. Je te félicite

Le fils, après un bref temps de réflexion, grave, presque imperceptiblement ému:
- Merci Papa.


Il est des échanges qui illuminent une vie d'homme.

*

Où l'on voit qu'il s'agit de bien plus qu'un stroke
Car ce que je récuse dans l'analyse transactionnelle, c'est cette façon de ramener à une logique de stimulation quasi pavlovienne et horizontale la question du rapport à autrui. Très pratique pour interpréter. Efficace même. 

Mais très réducteur aussi, quelle que soit la façon d'élargir le concept. Ici, ce qui se joue est bien au-delà d'une stimulation "positiviste" de l'enfant. C'est une rencontre intime entre deux sujets. Qui sont chacun et simultanément valorisés par ce qui est échangé, et par le fait même que cela soit échangé. 

Le père voit la croissance du fils. La construction de soi de ce dernier. En est comblé en tant que père. Et le fils se construit dans et par le regard du père. Mais apporte aussi à ce dernier un témoignage de ce qui les lie et qui est pour partie indicible. C'est "la rencontre", comme le disent les philosophes. 

Pour ce seul moment là, la vie du père mérite d'être vécue. Et dans ce seul moment là, le fils voit toute la stature en même temps que la fragilité du père dont l'être au monde et la réalisation de soi en tant que père dépend aussi de lui. C'est un échange intime, immatériel, non marchand. Qui s'appelle en réalité le don de soi. On est bien loin de l'analyse transactionnelle réductrice. 

Admettre que l'éducation revient à flatter ou stimuler pour obtenir, c'est courir un risque énorme. Eduquer, c'est plus fondamentalement aimer. Et ce père donne vie à son fils par ses mots; l'enfante à la responsabilité et à l'autonomie; le donne à lui-même. En même temps que le fils contribue à l'accomplissement du père en tant que tel. Voilà l'essence et le non-dit de la relation.

Le stroke tente d'enfermer dans une approche technique de la relation, ce qui relève en réalité d'une autre épistémologie de la relation. Son objet lui échappe alors. La métaphysique de la relation quant à elle, révèle précisément l'essence de cette dernière: l'échange du père et du fils conçu comme don de soi et source de l'enfantement de soi. Le père est enfanté en tant que père. Le fils est enfanté en tant que fils. Tous deux communiant dans ce lien interpersonnel fécond.  





De la réforme des retraites et de l'incurie



Chose lue

Ainsi donc le Premier Ministre, François Fillon, en déplacement, a-t-il fait des déclarations plaidant, au nom d'une nécessaire convergence économique plus globale avec l'Allemagne, pour un recul de l'âge de la retraite à 67 ans.

Faut-il rappeler que le même François Fillon est déjà l'auteur de deux (rien de moins) réformes des retraites qui devaient être durables et pérennes. Et que la dernière devait assurer la viabilité du dispositif et l'équilibre jusqu'en 2018? 

En termes marins, ça s'appelle "naviguer à vue". Autrement, ça s'appelle "l'incurie".


Capture d'écran du site lefigaro.fr




jeudi 22 septembre 2011

De la République et du communautarisme



Chose lue


"T'es arabe et tu sors avec une Noire ? T'as pété les plombs !"

La seule réponse à cette situation là? Promouvoir à la fois avec sérénité et force les valeurs de la République: universalité, laïcité. Contre les communautarismes de tous ordres, d'où qu'ils viennent. Mais de façon dépassionnée, sans violence, et avec respect. 

Tout un programme, certes. Mais le seul qui tienne tant la tâche est immense et les résistances profondes. La preuve.




Impromptu 2.0




Une amie sur Facebook avec laquelle les échanges s'étaient limités jusqu'alors à quelques "Like":

"Bonjour Jean Bertrand! C'est rudement beau ce que vous dites! Je vous embrasse, tiens."


Moi

"Bonjour M! C'est rudement chaleureux de dire votre ressenti avec autant de spontanéité et de sincérité. Je vous embrasse en retour, tiens!"


Les réseaux sociaux, c'est aussi ça.





Politique 2.0: encore un effort Mesdames et Messieurs les députés!



Le site Elus 2.0 (Ici pour le site; et ici pour la page Facebook), vient de publier une étude réalisée au mois de Juin 2011 portant sur la présence en ligne des députés ainsi que sur leur activité web. Cette étude sera actualisée en Décembre.

Où l'on apprend notamment que 

"79 députés sur 575 n’ont pas d'autre présence sur le Web que leur page Wikipedia. Et alors que près de 40 millions de français surfent sur Internet et que plus de 20 millions disposent d'un compte Facebook, un député sur cinq n'a pas de blog et seuls 10% des blogs sont des sites collaboratifs permettant le partage et le dialogue avec les internautes. Quant à Twitter, seuls 22% des députés y ont ouvert un compte.", comme le rapporte Libération ce jour.

Il est certain qu'on ne se remet pas aisément de décennies de communication verticale avec son cortège de communiqués, d'interview préparées, d'émissions politiques convenues et sans surprise, de prise de parole sans interaction.

Il va falloir accélérer la cadence MM les élus. Car à ne pas rencontrer vos électeurs là où ils sont, vous allez finir pas les lasser. Le marché du Dimanche sous les caméras pour le JT Régional de France 3, c'est bien. Mais ça ne saurait constituer le coeur du dispositif de la politique 2.0 qui s'impose. Obama vous avait pourtant largement donné l'exemple avec son élection en 2007! Il est vrai que beaucoup d'entre vous se plaisent à déclarer, non sans un certain mépris, que nous ne faisons pas ici de la politique comme les américains. Sachant que rien n'est moins sûr.


La politique sera 2.0 ou ne sera pas. Il y a urgence, s'agissant non pas de votre communication et de son efficacité. Mais aussi de votre légitimité. 
On pouvait peut être déclarer il y a encore quelques années que "la politique de la nation ne se fait pas dans la rue" (pas plus qu'à la Corbeille). Mais que vous le vouliez ou non, elle se fait aujourd'hui pour partie sur le web et plus précisément encore sur les réseaux sociaux, où vous ne pouvez plus désormais ne pas entrer en relation avec vos administrés. 

Cela change vos façons d'être, de faire. C'est incontestablement un langage et une pratique à découvrir, à apprendre, à maîtriser aussi (on évitera par exemple de tweeter quand on est en Commission ou lors de Réunions à huis-clos, n'est-ce pas...). Il y a indubitablement un équilibre à trouver pour ne pas céder à la démocratie d'opinion, à laquelle la politique 2.0 ouvre grand la porte en vous rendant immédiatement accessible et en consacrant le règne de l'immédiateté et de la réaction. Mais dans tous les cas, le net est désormais l'un des lieux privilégiés de vos échanges. A la fois une chance et un défi sur le plan démocratique. Pour une démocratie 2.0 s'il faut la nommer ainsi.
Et pour continuer de vous agacer avec Obama, observez par exemple la façon dont le Président américain  aura évolué entre 2007 et 2011. Entre une exploitation basique de Facebook et l'utilisation très sophistiquée qu'il a faite de Twitter par exemple lors du Twitter Town Hall le 6 Juillet dernier.

Certes, il y a parmi vous de bons élèves. Mais il y a surtout pour la grande majorité d'entre vous plus que des efforts à faire pour intégrer à votre pratique politique la culture des réseaux sociaux qui est celle de vos électeurs! 
Quel que soit votre bord, inspirez-vous par exemple de l'Elysée, que diable! Même la Présidence tweete ce Jeudi pour tenter d'enrayer la crise politique née de l'Affaire de Karachi...  







De la séparation des pouvoirs



Tempête aujourd'hui au sein la classe politique française dans les rangs de l'UMP, voire à la Présidence, au sujet de l'Affaire de Karachi et du financement de la campagne d'Edouard Balladur en 1995

L'Elysée se fend donc d'un communiqué accessible sur sa page Facebook. Extrait.

"S’agissant de l’affaire dite de « Karachi », le nom du chef de l’Etat n’apparaît dans aucun des éléments du dossier. Il n’a été cité par aucun témoin ou acteur de ce dossier".

Mais au fait, comment sait-on exactement à l'Elysée ce qu'il y a dans le dossier, pour pouvoir affirmer que le nom du chef de l'Etat n'y apparaît pas?  

Se pourrait-il qu'on ait porté atteinte à la séparation des pouvoirs?

La main dans le sac.







De la peine de mort, des Etats-Unis et des Etats du Sud




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C'est le nombre d'exécutions capitales qui ont eu lieu (j'allais dire qui ont été perpétrées...) au Texas depuis la prise de ses fonctions par l'actuel Gouverneur, James Richard Perry. Il est prétendant à l'investiture républicaine pour 2012, et visiblement en bonne place. Il a confiance en la justice de son pays. (Source Le Monde diplomatique)

On mesure s'il en était besoin l'ampleur de la tâche. Notamment dans les Etats du Sud.

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Justice aveugle: bas relief du portail sud de la cathédrale de Metz



De la mort et de la vie



Chose vécue


Je veillais pour Troy Davis. Comme nous étions si nombreux à le faire en cette soirée du 21 Septembre. Ce Mercredi noir pour la justice américaine. Pour la justice humaine. 

L'un d'entre mes amis nous informa de la naissance imminente de l'un de ses petits enfants. La vie. La vie malgré tout, contre tout, au-delà de tout.

Puis le lendemain, après l'annonce de son exécution, la vie encore. Qui aura pris la forme de la main de Samuel Alexandre Armas, miraculé de la science alors qu'il n'avait que 21 semaines. Petit d'homme s'accrochant au gant d'un chirurgien aux mains d'or.

De la mort à la vie. Rendre le monde plus humain et le débarrasser de cette barbarie là.






Veillée Funèbre de Troy Davis



Avant l'exécution prévue à 19 heures (EU/Côte Est)


Veillée d'un 21 Septembre de sinistre mémoire

"Ni dans le coeur des individus ni dans les moeurs de la société, il n'y aura de paix durable tant que la mort ne sera pas mise hors la loi."
Camus - Réflexions sur la guillotine

*
Sur un grand réseau social



Ne m'en veuillez pas mes amis
Pas le goût de choisir. Pas le goût de poster. Je vois tous ces liens, tous ces profils danser sur mon écran. Vous êtes là. Tous, par delà la différence des âges, des milieux, des cultures, des pays. Et je suis avec vous. Dans cet élan pour et vers un homme. Et au-delà de cet homme, qui dit lui-même à quel point la poursuite de son combat importe. Mais qui est déjà prêt. Qui n'est déjà plus là, pour éviter d'être déchiré encore davantage. Nous veillons. Et si l'être pour autrui a un sens, c'est bien aussi celui là.


A C., MF, B., D., J. et tous les autres: 
Entendons-nous bien mes amis. Mes propos ne sont pas de confiscation. La décence s'impose. Et la retenue. La grandeur d'âme aussi. L'élévation. Autant que la manifestation. Vous dites tous de très belles choses. Vous choisissez vos mots. Ou vos liens. Que dire de plus. J'ai dit hier ce que j'avais à dire. Je fais aujourd'hui silence pour, dans une profonde communion avec vous tous, et avec toute cette humanité vibrante, j'allais dire responsable, éprise de justice et aimante, laisser monter ce chant, cette clameur, cette ode, cette imploration. Que ceci le porte dans ces derniers instants. Il affirme être en paix. C'est là le paradoxe. C'est encore lui qui montre le chemin. Que ceci nous porte, aujourd'hui mais aussi demain, selon ses voeux, à lutter avec force pour que cette barbarie cesse enfin. Pour que nous n'ayons un jour, nous, nos enfants, petits-enfants, plus à vivre de telles veillées funèbres. Ce monde n'est que ce que nous en faisons. Notre responsabilité envers l'humanité est immense. Troy Davis va payer de sa vie le fait que tous n'en soient pas encore convaincus. Puisons dans son terrible destin l'énergie de nos futurs combats. Et rendons-lui grâce de cette sérénité, en même temps que nous l'assurons intimement et presque universellement de notre profond et indéfectible attachement.

*

Après l'exécution. Réalisée à 23h08 et 4 heures interminables de report.



Troy Davis est mort. Le jour se lève ici et nous avons perdu encore un peu plus de notre innocence originelle. Mais sa mort, comme celle, programmée et attendue, d'autres condamnés agonisant dans les couloirs de la mort, doit demeurer l'aiguillon d'une lutte contre l'innommable. Le chemin sera encore long. Paix a toi, Troy Davis. 







mercredi 21 septembre 2011

Du serment d'allégeance, de la République et de la Défense Nationale






"Comme il faut de la vertu dans une république, et dans la monarchie de l'honneur, il faut de la crainte dans un gouvernement despotique ; la vertu n'y est point nécessaire et l'honneur y serait dangereux." Montesquieu


*

Ainsi donc M Copé propose-t-il "un serment d'allégeance aux armes". Qui concernerait chaque jeune  parvenu à la majorité et chaque demandeur de la nationalité française.

Laissons de côté la manœuvre politicienne si grossière à huit mois de l'élection présidentielle, qui vise non plus seulement à émettre un message, mais à effectuer une véritable tentative de rafle sur l'électorat frontiste, flattant le nationalisme le plus archaïque.  Manœuvre qui a au demeurant échoué à peine l'annonce faite. 

Laissons de côté aussi l'interprétation détournée des propos de Kennedy s'agissant de savoir ce que les citoyens doivent à la nation. Le président démocrate visait non pas la force des armes, mais la mobilisation de tous et toutes autour des grands enjeux et des valeurs de la démocratie américaine.

Laissons de côté encore  l'attendu de la mesure et le procès d'intention inepte fait à la gauche, s'agissant de dresser artificiellement une France contre une autre sur le thème de la défense de la patrie. Comme si l'histoire n'avait pas largement montré que le patriotisme n'avait pas de couleur politique, les victimes et martyrs autant que les héros et les traitres ne se caractérisant pas par leur camp.


Rappelons par contre et au premier chef l'origine historique de l'allégeance: cette soumission au suzerain formalisée dans le droit féodal. Le serment d'allégeance étant la reconnaissance de la fidélité et de la soumission  à un roi. 
L'allégeance est de renoncement à sa liberté; de renoncement à soi. Et de déclaration d'adhésion inconditionnelle et pour partie irrationnelle à un ordre ou à un être dont on reconnait la supériorité.

Rappelons encore que les Etats-Unis demandent en effet à ceux auxquels ils accordent la nationalité américaine de prêter un serment spécifique d'allégeance. Serment d'allégeance distinct de celui du Président ou des élus. Mais présentant ceci de commun qu'il s'agit d'une allégeance à la Constitution et non pas au drapeau. Aucune raison ici d'être choqué. Le nouveau citoyen déclare sa fidélité à ce qui fonde et donne corps à l'Etat de droit américain. Et reconnaît son histoire, à travers celle de la nation.

Mais rappelons également que ces mêmes Etats-Unis ont varié autant sur le fait de prononcer le serment d'allégeance au drapeau, la faculté d'y contraindre, que sur le protocole. Ainsi, n'est-il pas possible de rendre obligatoire de le réciter dans une école au motif que cela constitue une atteinte à la liberté d'expression, et donc à la constitution. De même, hier récité le bras levé et en avant, à la façon d'un salut hitlérien, ce serment se prononce aujourd'hui la main sur le coeur ou au salut.

Rappelons enfin que les Etats-Unis ne sont pas embarrassés par leur passé en matière d'allégeance. A la différence de la France dont le Gouvernement de Vichy aura hier, il n'y a pas si longtemps, vu l'armée prêter un infâme serment, prenant part à une collaboration active. Ou armée rime alors de façon sinistre avec souveraineté mais aussi avec crime. Ou la République s'est souillée à jamais dans l'odieux et sinistre triptyque: Travail, Famille, Patrie. Ou l'on aura confondu, précisément, soumission à un ordre ignoble et défense de notre identité commune.


Faire prêter le serment d'allégeance aux armes par les jeunes parvenus à leur majorité, c'est reconnaître un échec cuisant de la République et de son système éducatif. Qui n'auront su ou pu ni prouver, ni transmettre les principes fondateurs de l'ordre républicain et les valeurs qui le structurent. Dont le fait que la souveraineté soit un bien commun et éminemment précieux, susceptible de devoir être défendu par les armes si nécessaire.  

Devoir prêter allégeance aux armes à dix-huit ans revient à faire de la République et de ses principes une réalité extérieure à la vie des citoyens, artificielle. Comme à faire de la Nation et de l'histoire commune qui nous sculpte et nous unit pourtant, une réalité abstraite. Lors même que c'est tout au long de la vie scolaire par l'Histoire, les Lettres, la Philosophie, l'éducation civique, mais aussi par l'exemple donné de la part de ceux qui ont la charge de l'Etat, autant que par leur souci et leur respect constants des principes de la République, que cette conscience citoyenne devrait  se constituer. 

Ce qui nous ramène à Montesquieu précisément. La République est de valeurs connues, identifiées, assimilées et devenues comme le prolongement naturel de notre être; de droits et de devoirs connus et respectés. Bref, de conscience citoyenne. Réussit-on à la rendre effective que la vertu républicaine dont parle le théoricien de la République qui est la notre surgit. Plus besoin de prêter allégeance aux armes à l'adolescence ou au tout jeune âge adulte, dès lors que l'évidence s'est imposée aux consciences citoyennes de l'importance de la République et de la grandeur comme de la dimension structurante de la Nation. Un patriotisme éclairé ne peut être que le fruit d'une éducation et de l'exemple. Pas la résultante de quelques phrases prononcées à la va vite lors d'un improbable rendez-vous citoyen, quel qu'en soit la forme.

Davantage. Le patriotisme éclairé qui nous fait dépositaire, acteur et promoteur serein de l'identité nationale est affaire de liberté et d'adhésion. Que l'on cultive au fil des ans dès le plus jeune âge, dans l'exploration et la compréhension de l'Histoire commune et de l'organisation politique partagée. On ne saurait imposer la République de façon factice. Mais on peut en montrer la forme, le sens et la valeur au fil du temps, commençant dès le plus jeune âge. Sachant qu'on ne parle pas ici d'endoctrinement mais d'éveil puis de construction et de consolidation de la conscience citoyenne. L'Ecole doit premièrement répondre à cela. 

Réclamer l'allégeance aux armes, c'est souligner la faillite de l'éducation de la liberté du citoyen, autant que nier l'essence de cette dernière. Et du coup remettre en cause jusqu'aux fondements constitutionnels même de la République. Car on ne peut sans contradiction imposer ce qu'on aurait du éduquer. La monarchie appelait l'allégeance. La République réclame l'adhésion éclairée. On ne saurait imposer aux jeunes citoyens français de renoncer à ce qu'ils sont, des citoyens précisément et non des sujets, pour tenter de palier l'incurie d'un  système dans lequel on ne cherche pas en permanence, ou si peu, à donner corps à cette citoyenneté. Exit donc un tel serment imposé aux jeunes citoyens.

Le serment d'allégeance imposé aux demandeurs de la nationalité française peut quant à lui se concevoir. Mais comme l'expression symbolique de l'adhésion de principe à la République et rien d'autre. C'est la Constitution qui doit alors être visée. Certainement pas les armes! La République et la Nation sont le bien. Les armes n'en sont le cas échéant que le garant. En demandant de faire allégeance aux premières, on appelle la responsabilité et le devoir que concrétise le fait de prendre le cas échéant les secondes, si la patrie est en danger. Ou si les intérêts d'un monde libre sont menacés, puisque la République, c'est aussi le partage de droits universels. Les armes ne sont pas en elles-mêmes le bien le plus précieux, comme un glissement intellectuel aberrant pourrait donner à le penser, pris dans la tentation idéologique d'un programme politique réducteur et racoleur tel celui proposé par JF Copé.
Ce n'est pas une question de mot. Mais de principe. Sous peine que l'identité nationale soit encore renvoyée à une dimension artificielle qui aurait encore et beaucoup plus de mal à résister aux multiples communautarismes. Comme c'est le cas aujourd'hui. Sous peine même que l'idée de défense de la Patrie et des droits universels soit remise en cause, le devoir de défendre étant alors rapporté et non justifié de l'intérieur même du champ de la conscience citoyenne.

La République est universelle, une et indivisible. La Nation est par là même une et indivisible. La seule valeur et la seule légitimité des armes leur vient de la République et de la Nation. On doit par priorité et par principe demander à ceux qui briguent la nationalité française l'adhésion de principe aux premières. Cela inclut l'adhésion aux secondes si nécessaire. Mais l'ordre des choses importe ici. Et la hiérarchie.


On le voit bien par les lieux historiques et philosophiques mêmes où les propos de M Copé nous ont entraîné: l'adhésion à la République et à la Nation sont si centrales qu'elles méritent bien plus que des propositions à l'emporte-pièce et démagogiques sur un hypothétique serment d'allégeance aux armes.

Avoir placé le débat sur le terrain de la gadgétisation d'un serment au demeurant inadapté, parce qu'il concerne deux populations n'ayant pas à être rapprochées du point de vue de leur expérience politique, et se trompe d'objet (car disons le tout net: c'est la Constitution qui est en premièrement en cause; pas la défense nationale qui vient après)- n'est certainement pas prêt de contribuer à donner au débat sur le rapport entre l'identité nationale et la défense la dimension qu'ils doit avoir.
On n'en sera pas étonné, compte-tenu du contexte et de la rhétorique usuelle de celui qui en a pris l'initiative. Tout en le déplorant profondément. Le malaise provoqué dans son clan constitue une illustration de cette impasse comme de la légèreté de la mesure et de ses attendus, au-delà du porte à faux électoral qu'elle peut induire.

La République et l'adhésion des citoyens, jeunes ou impétrants, mérite mieux que la provocation et le clivage ou l'insulte à l'histoire, autant qu'aux véritables fondements de la conscience citoyenne. Et surtout est affaire, nous l'avons dit, de patriotisme éclairé, de choix politique libre et conscient. Citoyens français, nos enfants le sont de par le droit du sol. Citoyens éclairés, ils le deviennent par l'éducation et l'exemple. De même, ceux qui souhaitent faire leur notre Patrie doivent-ils commencer d'être respectés en tant qu'hommes et femmes libres soucieux d'adhérer librement et en pleine conscience à une Constitution. Non pas d'être considérés comme des sujets devant se plier à un arsenal militaire. Une véritable conscience des enjeux de la Défense Nationale ne peut s'appuyer que sur de tels fondements. Fort loin donc de ce qui nous est ainsi proposé.





   


mardi 20 septembre 2011

A Troy Davis



Mon ami,
A toi qui est mon frère en l'humanité,
A toi dont le destin se brise à présent,
Contre le mur d'une justice inique et aveugle

A toi dont les printemps
N'iront pas au delà de ces maigres années,
Et dont le seul tort fut
D'être né noir
En une Amérique encore hantée parfois
Par ses sombres démons

A toi dont l'espoir vaincu n'a cessé de pleurer
Au long de ces vingt ans de geôle.
Que nul n'aura pu sauver
Ni les hommes, ni les foules,
Ni la bonne volonté
Ni même les puissants.

Je veux dire que mon âme
Que mon coeur sont broyés
Du cauchemar que tu vis
Que je vis avec toi
Dans les larmes et la peine
Parce que nous sommes frères

Un peu de toi s'en va, déjà
Et je sais que tu veilles
Et je veille avec toi

Il ne reste plus rien
Les mots sont inutiles
Le souffle se fait rare
Tout l'être est de douleur

Ne reste que le beau
Peut-être
Et la prière
Si tel est ton refuge

Je ne sais que le beau
Et de penser à toi.
Je le dépose là
De musique il est fait

Comme un grand chant s'élève
La corde vibre et tremble
L'âme étreint.
Tu t'envoles.

Tu n'es déjà plus là
Tu nous laisses
Tu me laisses.
Ta voix se mêle au chant
Du violon.
Qui dit je n'ai plus peur.

Et la laideur du monde,
Enfin toute effacée
Ne reste que le beau
Que tu portes avec toi.

Et je te garde en moi
Ton image, ton nom
Que rien n’altérera.

Mon ami, mon frère







Du sourire et de l'être pour autrui




De l'ouverture à autrui

"Le sourire est la perfection du rire. Comme la défiance éveille la défiance, le sourire appelle le sourire : il rassure l'autre sur soi et toutes choses autour" Alain

*

Le Cinquième
Songe à son expérience de l'univers hospitalier dans lequel on écarte a priori le sourire, pourtant crucial à ses yeux dans les soins que l'on peut prodiguer aux patients, s'agissant du domaine de la gériatrie qu'il connait.

Le Quatrième
S'interroge. Car en effet, est-il possible, si l'optimisme va à l'optimisme, si la chance va à la chance, que le sourire soit contagieux si l'on en est soi-même privé? Comment donner en somme ce que l'on ne possède pas?

Le Troisième
Invoque cette expérience limite: celle de la douleur extrême dans laquelle on pourrait néanmoins arracher à la peine un sourire. Tout comme le clown triste réussit malgré tout à nous prodiguer son sourire; et à nous faire  sourire.

Lui
        Au Cinquième 
Magnifique. Pour la raison que je vais évoquer juste après. Il n'a visiblement rien compris ton gériatre-chef de service. En revanche toi, tu as tout compris. 

        Au Quatrième et au Troisième
Disons que nous n'avons absolument pas besoin d'être heureux pour sourire. Ni même d'être heureux pour offrir un sourire et se rendre accessible à l'autre. Pour cette raison essentielle qu'avec notre sourire, nous projetons notre "être pour autrui" vers l'autre. Nous montrons que notre être ne se conçoit que dans la relation. Nous nous rendons donc éminemment accessible en même temps que nous manifestons une bienveillance qui permet à l'autre de savoir que nous ne lui voulons aucun mal. 

Avec un sourire, nous pulvérisons l'idée selon laquelle "l'enfer c'est les autres". Nous sommes là, tout entier dans la rencontre. Dans et par le sourire, nous nous donnons dans la relation à autrui. C'est un échange ontologique et non pas seulement psychologique. 

Voilà pourquoi le sourire peut donner ce que nous n'avons pas. N'être pas heureux et sourire, c'est montrer à l'autre que la vie est possible, que la rencontre est possible. L'autre s'en trouve augmenté. Nous aussi. Celui qui est triste et sourit s'arrache aux choses, à ce qui nie l'être, à ce qui lui fait violence. Dès lors, nous sommes plus humains, lui et nous. Et la bienveillance déployée vers l'autre, projetée dans le sourire, nous apaise aussi. Un sourire triste emporte avec lui toute notre humanité. Vers l'autre. Et nous la rend à nous même. 

Voilà aussi pourquoi ton gériatre n'a rien compris, mon ami. Le "papy" que tu évoquais (on appréciera l'élégance du langage médical qui commence par diminuer, voire humilier, même sans méchanceté...) n'a pas besoin de ta jolie frimousse, quoi que- ou d'autre chose. Il a besoin de ton humanité. De ton "être pour autrui". Celui qui établit le lien avec toi et avec le monde. Celui qui peut-être va lui donner souffle, l'apaiser. Lui donner la force de croire en ses forces. Celui qui fait que la vie va faire sens. A travers ton sourire, tu te donnes à lui, et tu le donnes à lui-même. Tu l'enveloppe d'une bienveillance à laquelle il ne croit pas ou plus. Tu lui insuffles de la vie (bien plus que toute la pharmacopée déployée par ailleurs). 

Soignes ses escares avec tes médicaments et elles le feront quand même souffrir. Soigne-le avec tes médicaments et avec ton sourire, et sa relation à la douleur en sera ontologiquement modifiée. Tu lui auras donné une parcelle de ton humanité. Et tu lui aura rendu la sienne. 

Allez, lâchons le nom! C'est l'immense Lévinas qui a développé cette théorie de "l'être pour autrui". En rupture d'avec un sujet et une conscience orgueilleuse et solitaire, il a montré à quel point notre identité même se résout et s'éclaire dans la projection vers l'autre. Le sourire dont parle Alain est en réalité une forme privilégiée de cet "être pour autrui". Voilà pourquoi il est aussi précieux, inestimable même. Voilà pourquoi il n'est pas de psychologie mais d'humanité.

Le Second
Quant à moi, mon expression fait que quand bien même je m'efforce de sourire, on se méprend sur ce que je ressens et sur ce que je souhaite traduire. Ma corpulence, mon faciès font même que l'on est amené à croire que je suis hostile, à l'inverse donc de mon intention initiale. Les choses ne sont donc peut-être pas aussi simples qu'il y parait. Sourire ne serait peut-être pas aussi explicite que cela.

Lui
         Au Second
Je ne crois pas qu'on puisse tirer de ton expérience une quelconque conclusion sur l'incapacité du sourire à véhiculer ce dont Alain parle en raison de l'apparence physique. L'être pour autrui ne s'embarrasse pas de cela. Tu peux être édenté, vieux, petit, gros, ce que tu veux en réalité... Si ton sourire est celui de l'être là tourné vers autrui, son pouvoir est constant. Nous parlons d'ontologie, de métaphysique, d'essence de l'humanité. A côté de cela, l'aspect physique ne pèse rien. Ton sourire est une attitude intérieure reflet de la projection de soi. Tout ton corps est transfiguré par le sourire. C'est extrêmement simple au contraire. Immédiatement accessible dans l'expérience de tout un chacun. Aucun élitisme là-dedans, qu'il soit intellectuel ou physique. L'évidence absolue du sujet tout entier dans "l'être pour autrui".  

Le Premier
Mais le sourire peut être terriblement ambigu et beaucoup moins chaleureux que ce qui a été évoqué jusqu'ici. Je rejoins en cela pour partie les sous-entendus de notre ami le Second. Rire, sourire, c'est aussi parfois dire sa gourmandise, sa cupidité, sa rapacité. Sourire ou rire en se pourléchant les babines, en somme. On serait bien loin de l'empathie décrite et explorée précédemment.
De plus ce sourire est un langage non verbal. Qui varie inévitablement selon les cultures. Il y a tout un univers de significations possibles du sourire, hors le discours, que certains ont explorés .

Lui
        Au Premier
Pour partir de la fin de ton propos, je connais cette thèse qui soulève néanmoins une question de fond: celle du rapport entre l'universalité de la nature humaine et la diversité des cultures. le penseur auquel tu fais allusion est initialement un anthropologue. Alain ou Lévinas travaillent en philosophes. Pas en anthropologues. Certes, il y a la pluralité et la diversité des langages. Mais ça ne retire rien à la thèse de fond sur "l'être pour autrui". 

De plus, Alain ne vise pas ici un rire sardonique, un sourire entendu, un sourire ironique, un sourire carnassier - celui de la prédation- et par extension toute marque d'un sourire qui établirait la distance. Le sourire dont Alain parle est, à l'inverse, de bienveillance, d'enveloppement, de rapprochement. 

Si le sourire est un signe, alors il donne matière à une interprétation, c'est évident. Mais la thèse de Lévinas, dont je trouve qu'elle éclaire à merveille le propos d'Alain, écarte justement ce rapport à l'animalité (cf l'intentionnalité d'une conscience humaine). Le propos de notre ami le Second vise une impossibilité physique de sourire de façon univoque et compréhensible, et surtout sans qu'il y ait méprise. Or il y a une mobilisation de toute la physionomie qui accompagne le sourire qui permet de lever l’ambiguïté. Le sourire s'inscrit dans un ensemble signifiant (sauf à jouer à sourire, cela va de soi). La gestuelle qui est également communication non discursive va également confirmer la nature du sourire. 

De telle sorte que pour une culture donnée, la notre, et pour un environnement signifiant donné, celui auquel nous sommes habitués au regard de notre gestuelle courante, le sourire apparait dépourvu d'ambiguité. En ce sens, je ne pense pas du tout, pour demeurer sur un plan philosophique et tenant compte des données culturelles et anthropologiques, que la thèse d'Alain et de celle de Lévinas soient fragilisées par la pluralité des cultures, ni même des attitudes. En réalité, le sourire dont ils nous parlent est universel. Et c'est universellement que notre "être pour autrui" se manifeste dans le sourire.

C'est dire à quel point il importe de ne priver ni autrui ni nous-même, de cette voie vers  la réalisation de soi; vers ce rapport apaisé, positif, complice aux autres et au monde. 
Le monde entier; toute l'humanité tient dans un seul de nos sourires.





De l'exécution de Roy Travis et de la peine de mort



Instantané

Après l'annonce de la confirmation de l'exécution de Troy Davis


«Ceux qui croient à la valeur dissuasive de la peine de mort méconnaissent la vérité humaine. La passion criminelle n'est pas plus arrêtée par la peur de la mort que d'autres passions ne le sont qui, celles-là, sont nobles.» Robert Badinter.


Extrait du discours à l'Assemblée Nationale le 18 Septembre 1981

C'était il y a tout juste 30 ans.

Capture d'écran du site l'Express.fr


Capture d'écran du site rtl.fr





Des moines de Tibhirine et de la responsabilité de l'Etat algérien



Chose lue


C'était en 1996. Nous apprîmes alors que les moines d'une petite communauté de Tibhirine avaient été enlevés. Puis assassinés. Cruellement puisqu'on les retrouva décapités. L'Algérie vivait dans la terreur du FIS (Front Islamique du Salut) et du GIA (Groupement Islamiste Armé). Elle vivait aussi sous le joug d'un pouvoir algérien tyrannique somme toute très satisfait de pouvoir utiliser l'alibi de la menace islamiste pour renforcer son propre contrôle au mépris des libertés et des droits de l'homme.

La version officielle imputa au GIA la responsabilité du massacre. Je n'en croyais alors aucun mot.

Beaucoup plus tard, Xavier Beauvois m'émut à l'extrême avec son remarquable "Des hommes et des dieux" racontant l'histoire de ces 7 moines trappistes martyrs. Des hommes soucieux des hommes, sans distinction de culture ou de religion, à leur service dans ce petit dispensaire, pour la gloire et par amour de leur Dieu, sans toutefois aucune revendication, et dans le respect de leurs voeux . Des hommes avec leurs peurs aussi. Des hommes avec leur sainteté, qui les conduira jusqu'à la mort pour ne pas vouloir céder devant la violence et l'injonction de choisir. Avec un Mickael Lonsdale et un Lambert Wilson bouleversants, oscillant entre drame intime et figures tragiques.

Et de découvrir ce jour la parution, 15 ans plus tard, du livre de Jean-Baptiste Rivoire: "Le Crime de Tibhirine. Révélations sur les responsables".

Où l'on apprend, à la faveur de révélations de Karim Moulaï, ancien agent de l'Etat algérien, que c'est non pas le GIA mais le DRS (Département du Renseignement et de la Sécurité) qui aura organisé et perpétré le crime.
On ne peut s'empêcher de repenser aux visites officielles comme au soutien accordé à Alger au fil des ans. On connait l'arrière plan énergétique et géostratégique qui a commandé le maintien de relations parfaitement normalisées avec Alger. Autant que le complexe historique né du syndrome de la Guerre d'Algérie. L'efficacité de la Realpolitik qui ne s'embarrasse pas de droits de l'homme, ni même de droit tout court, dès lors que les enjeux économiques sont présents.

L'enquête du juge Trévidic est toujours en cours, mais avec des pièces classées secret-défense et une ligne diplomatique très banale faite de silence indigné, comme le rappelle l'article du Monde paru le 19/09 sur le sujet. Ce n'est à l'évidence pas de là qu'il faut attendre le surgissement de la vérité.

Raison de plus pour rendre hommage à la mémoire de ces moines sacrifiés, à l'occasion de la lecture de ce livre.

"Quoi toujours ce serait par atroce marché
"Un partage incessant que se font de la terre
"Entre eux ces assassins que craignent les panthères
"Et dont tremble un poignard quand leur main l'a touché

Extrait de "Un jour, un jour" d'Aragon









lundi 19 septembre 2011

Le recruteur 2.0 et le darwinisme social



Chose entendue

Un recruteur 2.0 en vue sur Twitter qui discourt sur la potentialité des réseaux sociaux:

"J'adore les candidats qui ont du culot. Pour moi, c'est ce qui démontre la vraie motivation. J'ai envie d'avoir des gens qui ont faim au bout du fil" (sic)

Alors vous devez être ravi dans l'exercice de votre activité de recruteur cher Monsieur, car par les temps qui courent "des gens qui ont faim" comme vous dites, ce n'est pas ce qui manque!



Herbert Spencer, père du Darwinisme Social