mardi 20 septembre 2011

Des moines de Tibhirine et de la responsabilité de l'Etat algérien



Chose lue


C'était en 1996. Nous apprîmes alors que les moines d'une petite communauté de Tibhirine avaient été enlevés. Puis assassinés. Cruellement puisqu'on les retrouva décapités. L'Algérie vivait dans la terreur du FIS (Front Islamique du Salut) et du GIA (Groupement Islamiste Armé). Elle vivait aussi sous le joug d'un pouvoir algérien tyrannique somme toute très satisfait de pouvoir utiliser l'alibi de la menace islamiste pour renforcer son propre contrôle au mépris des libertés et des droits de l'homme.

La version officielle imputa au GIA la responsabilité du massacre. Je n'en croyais alors aucun mot.

Beaucoup plus tard, Xavier Beauvois m'émut à l'extrême avec son remarquable "Des hommes et des dieux" racontant l'histoire de ces 7 moines trappistes martyrs. Des hommes soucieux des hommes, sans distinction de culture ou de religion, à leur service dans ce petit dispensaire, pour la gloire et par amour de leur Dieu, sans toutefois aucune revendication, et dans le respect de leurs voeux . Des hommes avec leurs peurs aussi. Des hommes avec leur sainteté, qui les conduira jusqu'à la mort pour ne pas vouloir céder devant la violence et l'injonction de choisir. Avec un Mickael Lonsdale et un Lambert Wilson bouleversants, oscillant entre drame intime et figures tragiques.

Et de découvrir ce jour la parution, 15 ans plus tard, du livre de Jean-Baptiste Rivoire: "Le Crime de Tibhirine. Révélations sur les responsables".

Où l'on apprend, à la faveur de révélations de Karim Moulaï, ancien agent de l'Etat algérien, que c'est non pas le GIA mais le DRS (Département du Renseignement et de la Sécurité) qui aura organisé et perpétré le crime.
On ne peut s'empêcher de repenser aux visites officielles comme au soutien accordé à Alger au fil des ans. On connait l'arrière plan énergétique et géostratégique qui a commandé le maintien de relations parfaitement normalisées avec Alger. Autant que le complexe historique né du syndrome de la Guerre d'Algérie. L'efficacité de la Realpolitik qui ne s'embarrasse pas de droits de l'homme, ni même de droit tout court, dès lors que les enjeux économiques sont présents.

L'enquête du juge Trévidic est toujours en cours, mais avec des pièces classées secret-défense et une ligne diplomatique très banale faite de silence indigné, comme le rappelle l'article du Monde paru le 19/09 sur le sujet. Ce n'est à l'évidence pas de là qu'il faut attendre le surgissement de la vérité.

Raison de plus pour rendre hommage à la mémoire de ces moines sacrifiés, à l'occasion de la lecture de ce livre.

"Quoi toujours ce serait par atroce marché
"Un partage incessant que se font de la terre
"Entre eux ces assassins que craignent les panthères
"Et dont tremble un poignard quand leur main l'a touché

Extrait de "Un jour, un jour" d'Aragon









Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Vous avez la parole!