lundi 26 septembre 2011

Des Variations Goldberg et de leur interprétation par Glenn Gould en 1981




25/09/1932 - 04/10/1982 - Gould aurait eu 79 ans. Le métronome s'est arrêté sur 50. Hommage.

Gould est sans doute l'un des très rares musiciens qui ont poussé aussi loin l'art de l'interprétation. Une création dans la création. Une re-création. Où l'interprète n'a aucune légitimité pour détourner l'oeuvre à son profit et doit s'effacer. Où la compréhension et la mise en avant de la structure commandent tout mais se résolvent dans la perfection de la simplicité et de l'évidence. Où l'intelligence et la sensibilité fusionnent définitivement. 

C'est sans doute comme cela que Bach doit être joué. C'est cela l'intelligence musicale. La musique, un point privilégié de convergence de l'art et de la métaphysique. De la mystique même (au sens strict: l'exploration du "mystère", de ce qui se tait). 

Et ici, un Aria de 2:54 qui livre, pour l'éternité, tout Gould, tout Bach, tout le mystère de l'homme, de l'univers, de la création. Gould a touché et nous fait toucher ceci: l'Alpha et l'Oméga. Voilà pourquoi il a enregistré pour la deuxième fois les Goldberg en 1981, après l'avoir fait en 1955. Son legs à la conscience universelle. Et pas seulement à la musique. 

Comment, en 32 variations, développer toute la création, explorer toute la palette de l'émotion humaine, faire la synthèse parfaite des styles, délivrer une traduction musicale de l'ancien et du nouveau testament tout en dépassant définitivement tout prisme religieux (une gageure!), réhabiliter la transcendance et renouveler la puissance de l'immanence, nous projeter dans le cosmos tout en nous rendant plus présents au monde. 

Gould aura mis 50 ans pour en arriver là. A la façon d'une ascèse. A la façon d'une élévation spirituelle, dont l'excentricité et la relation à son propre corps et au corps d'autrui n'étaient que le symptôme problématique. A la façon d'une introspection musicale qui a littéralement consumé la relation au monde physique tant l'art avait envahi tout le champ de la conscience, et au-delà. A la façon d'un amour de l'humanité qui, comme celui de Beethoven, ne pouvait plus, dans un paradoxe fécond, laisser de place à l'amour des hommes. A la façon d'une conception de l'art poussée si loin, aux frontières de la matière comme de la forme sonores, qu'elle pouvait presque, dans l'absolu, se passer de l'interprétation (l'idée est de Gould).

Saint-Augustin définissait la paix comme "la tranquillité de l'ordre". Avec cet Aria des Goldberg en 1981, Gould montre qu'il a vu la lumière, l'ordre du monde dans ce qu'il a de plus intime, et nous les livre en partage, totalement. 

Tout est accompli. Et cette oeuvre est auprès de nous, pour nous, qui nous montre un chemin vers l'univers et l'humanité tout entiers.




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