lundi 26 septembre 2011

Facebook, le réseau qu'on ne quitte pas. Quoi qu'il en soit.





Le temps est à la grogne chez bon nombre d'utilisateurs de Facebook: modification de l'interface; nouvel ordre imposé pour la présentation des posts, liens, statuts; introduction de la boîte "Télex" qui fait défiler et rend publiques (elles l'étaient déjà auparavant), mais surtout immédiatement visibles et accessibles toutes les interactions de tous les amis; introduction de la Timeline, cette nouvelle organisation du profil de l'utilisateur concrétisation de l'adage "Toute votre vie sur les réseaux sociaux", mis en avant par Mark Zuckerberg lui-même lors de la conférence F8. 

Autant de modifications souvent ressenties comme des agressions ou des empiétements sur la vie privée. Comme de véritables intrusions. Comme l'expression de la soumission imposée à la logique d'une entreprise qui ne semble guère se soucier du ressenti de ses premiers "clients", ceux qui créent le contenu. 
Le vécu étant d'autant plus négatif que les options de configuration ou de paramétrage pour modifier les réglages par défaut, allant tous dans le sens de la dimension "publique" du profil comme des interactions, ne sont pas d'emblée accessibles. Il faut les trouver ailleurs ou les recueillir auprès des autres internautes.

Grogne, donc. Mais jusqu'à quel point? Jusqu'à quitter le réseau social numéro un, comme certains le disent ou menacent sur leur mur ou dans les commentaires sur le sujet des modifications, exaspérés? 
De notre point de vue, il n'en sera rien. Mais ceci souligne une autre nécessité vitale s'agissant du web 2.0, du web tout simplement, et de son avenir.

 Bref état des lieux. 

Certes, Facebook est un réseau social très intrusif. Et malgré toute les réticences et la grogne constatés, le sera de plus en plus, par nature, culture et principe. La pression concurrentielle n'y changera rien, qui le pousse à intégrer presque en temps réel le meilleur des autres réseaux. Sans pour autant changer sa culture d'entreprise.

A observer très attentivement ce qui se passe, une migration des 800 millions d'utilisateurs, ou même d'une fraction significative d'entre eux, est rigoureusement improbable. La venue de Google +, son concurrent désigné, nonobstant sa considérable potentialité  professionnelle n'étant pas de nature à changer quoi que ce soit à l'hégémonie de Facebook, qui se trouve même confirmée. 

Car le nouveau réseau social de Google souffre de 3 handicaps pour les "particuliers": 

Tout d'abord, l'absence d'antériorité. La prime au premier entrant va incontestablement à Facebook. Tel est le fait. C'est sur Facebook que les utilisateurs se sont socialement déployés de façon virtuelle à très grande échelle. La surface atteinte par le réseau, sa dimension universelle, les habitudes contractées en son sein sont autant d'éléments qui pèsent très lourd dans le choix de migrer ou non vers un autre réseau. Il est peu probable que les internautes dans leur ensemble (hors utilisateurs professionnels, geeks et spécialistes) aient la patience de basculer ou dupliquer sur Google + leur réseau tel que constitué sur Facebook. Un signe de cette résistance à la migration: la faiblesse des interactions actuelles pour ceux qui s'essaient à titre personnel sur Google +; la modestie du nombre de posts; le fait que les cercles ne reconstituent pas même l'effectif d'amis présents sur Facebook. 

En second lieu, la crainte de la "Googlisation". Car si Google est plébiscité comme un moteur redoutable de pertinence, la société elle apparaît également comme "le grand méchant moteur qui indexe tout". Les déclarations d'Eric Schmidt devant la commission ad hoc du Sénat s'interrogeant sur les pratiques concurrentielles de la firme de Mountain View n'auront d'ailleurs rassuré ou convaincu personne. 
Certes, il est aisé de critiquer Google. Comme si Facebook n'indexait rien, lui! Ultime manifestation pour couper court à tout manichéisme, le fait qu'un blogueur australien vient de démontrer que le réseau social leader continuait de suivre au moyen de cookies les pérégrinations sur la toile de ses anciens utilisateurs

Il y a incontestablement de quoi s'émouvoir encore davantage, et ne pas considérer que critiquer Google dispense de reconnaître les mauvaises pratiques de Facebook. Mais la perception est essentielle: il suffit à tout un chacun de taper son patronyme dans Google pour constater à quel point peu de choses échappent à l'algorithme et aux robots qui "crawlent" inlassablement le web. A la captation universelle des traces laissées sur le web. D'où une possibilité de rejet presque viscéral de la part des internautes, d'une indexation universelle aux mains d'une seule entreprise qui fait tous les métiers du web et sait tout sur tout et surtout sur tous. On peut détester Facebook sans pour autant avoir la moindre envie de se précipiter dans les filets virtuels de Google. Et ce même si l'écart se réduit de façon accélérée quant au volume de data, big data et autres méta-données sur les utilisateurs, dont disposent les deux géants

En troisième lieu, vient le besoin de spécialisation des réseaux. Même s'il existe des arguments pour, et des défenseurs du grand réseau social universel, qu'on le veuille ou non, l'ère est à une spécialisation des réseaux sociaux. Google + pour les professionnels; Facebook pour l'ensemble des utilisateurs et un usage personnel; Twitter avec un usage technique dédié (professionnel; journalisme; spécialistes des médias sociaux; marketeurs) et un usage citoyen (l'immédiat; la réaction; le temps réel; la couverture de l'évènement, qu'il soit fait divers ou historique); LinkedIn pour le réseautage professionnel, pour ne citer que 4 géants.
Pourquoi aller reconstituer sur Google + ou ailleurs un tissu social alors que le partage des rôles, voire du marché, semble déjà si déterminé? Et somme toute avec autant de pertinence et d'efficacité.

Ainsi, et en dernier ressort, qu'on "aime" Facebook ou pas; qu'on se sente agressé par ses innovations, ses intrusions, son absence de transparence et paradoxalement son insupportable idéologie de la transparence, voire sa tyrannie, peu importe. On voit très mal les internautes migrer pour reproduire "le même" ailleurs. On ne pourra désormais pas plus quitter Facebook, sauf à se couper délibérément d'une fraction gigantesque du champ social virtuel. Sauf réaction très épidermique, on voit mal qui retiendrait cette option fort peu sensée. Les relations amour/haine avec Facebook ne sont de toute évidence pas prêtes de cesser. Sans pour autant que l'hégémonie du réseau social sur son segment spécifique soit remise en cause.

Néanmoins, il semble essentiel de trouver les moyens de commencer à peser fortement, au nom de principes démocratiques, sur les évolutions de Facebook et la façon de les implanter ou non. Ce que recouvre (ou devrait recouvrer) précisément, "la gouvernance du web". Là est le travail désormais. Mais il semble bien difficile de distinguer des acteurs ayant cette conscience des enjeux (ou les moyens de leur action) qui tienne compte à la fois de la réalité technique, concurrentielle, démocratique, sociétale, économique. 

Là se trouve pourtant le véritable chantier. Bien plus que dans le rejet de telle ou telle fonctionnalité ou ergonomie, fut-elle paramétrable, qui ne fait que préfigurer un "1984 virtuel" bien plus préoccupant si l'on ne change pas de niveau d'analyse. Et si l'on n'élabore pas un véritable cadre légal (et pas seulement un environnement non contraignant de bonnes pratiques) international.

Les internautes n'en ont pas fini de critiquer Facebook. Sans pour autant l'abandonner. La montée de Google + ne devrait rien changer à l'affaire. Mais l'exigence de gouvernance, elle, constitue plus que jamais un enjeu majeur.





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Vous avez la parole!