jeudi 5 janvier 2012

Petit exercice de style instantané (ce qui s'impose) économico-photographique à propos de Kodak


Lorsque l'actualité économique rencontre les mythes



Kodak a visiblement besoin d'une sévère mise au point pour cause de surexposition au numérique.

Dès lors, et pour éviter un flou définitif qui n'aura rien d'artistique tout en faisant sombrer notre imaginaire visuel collectif, ce qui serait une perte symbolique immense, il vaut mieux en effet:

1) Puisque la lumière fait défaut, corriger le temps d'exposition, en se plaçant sous la protection du chapitre 11 de la loi sur les faillites, ce qu'on vient de faire. On aura gagné du temps et de la netteté.

2) Adapter la focale aux nouveaux marchés et régler la vitesse de capture des nouveaux gisements économiques avec doigté de telle sorte qu'elle soit suffisamment élevée pour permettre la réussite du cliché.

Et si l'on opte pour une vitesse basse en raison d'une faiblesse persistante de l'optique, on cherchera à tout prix à préserver la qualité du positionnement de la firme ainsi que sa stabilité, s'agissant d'un ancêtre du secteur. Ce qui n'est guère aisé dans l'environnement concurrentiel considéré, mais qui est indispensable, la nuit des pertes consolidées risquant d'être fatale à la nouvelle prise de vue si l'on n'y prend garde. 

3) Ouvrir encore le diaphragme du financement, dont les besoins sont estimés à 1 milliard de dollars pour la durée de la procédure puis 500 millions d'investissements requis pour la restructuration et la modernisation en 2012. Compte-tenu de l'unité de compte, le moins qu'on puisse dire est que l'ouverture devra être généreuse!

4) Augmenter les ISO marketing et financiers. Car enfin, la problématique ne date pas d'aujourd'hui, et l'on s'étonne quand même que la sensibilité marketing des services concernés n'ait pas permis d'anticiper l'obscurcissement de l'environnement de prise de vue pour l'argentique, malgré des avancées, mais trop timides pour relever les angles vertigineux trouvés et imposés par les industriels photographes asiatiques qui ont littéralement phagocyté le numérique et redéfini le marché de la photographie.

Et l'on serait désolé que les trophées de chasse économique à l'image de nos amis nippons et coréens, ceux de Canon, Nikon, Panasonic, Sony ou Samsung, s'incarne dans une statique galerie de portraits d'ancêtres occidentaux argentiques ou n'ayant pas survécu à la révolution numérique. 

Ce qui ferait sans nul doute se retourner dans sa tombe iconographique certains Carl Zeiss ou George Eastman précisément, sans qui tous ceux là ne seraient sans doute pas grand chose, y compris tenant compte de l'espionnage industriel qu'on ne peut pas voir en photo mais qui projette un éclairage singulier et indispensable sur le déploiement de ce secteur à travers les époques.

Pour revenir à notre prescription donc, à défaut de pouvoir augmenter la sensibilité de pellicules qu'on n'utilise quasiment (mais la nuance est de taille) plus guère, et encore, qu'au cinéma - mais pour quelle qualité et pour quelle magie!- on accroîtra impérativement celle de la perception des nouveaux usages des consommateurs qui ont intégré la culture de l'image à un degré encore inégalé et sans cesse repoussé, la culture de l'image étant devenue coextensive de la vie.

Vous devez tout faire pour que l'incendie financier qui ravage aujourd'hui votre stock de films ne transforme pas vos trésors de R&D diffusés avec le temps comme des standards -parmi lesquels le son numérique 6 pistes il y a 20 ans, ce qui est bien peu- en un "pâté" économique impersonnel impossible à reconnaître. 

Car le seul Pathé qui tienne vous concernant est celui avec qui une alliance fut scellée il y a un peu plus de 100 ans, propulsant l'alliance industrielle franco-américaine au rang de mythe: celui de Kodak-Pathé, qui traversa les époques pour vivre encore aujourd'hui. 

Chers amis descendants de l'illustrissime Eastman, il est grand temps de développer de nouveaux réflexes, ou Reflex comme on voudra, tant ce segment tire désormais le marché de l'industrie photographique, afin que la photo de groupe de cette industrie ne tire pas seulement vers le jaune (et l'on ne se place ici que sur un plan chromatique, tout en louant la beauté de l'arc en ciel dont le jaune fait partie, cela va de soi), et soit riche de toutes les couleurs de la palette, puisque vous ne travaillez plus et depuis longtemps seulement ni même principalement en noir et blanc, qui peut toutefois être magnifique et qui vous doit beaucoup, nous en parlons après.

Enfin, pour terminer sur ce volet réglage de votre sensibilité aux nouvelles orientations du marché, ce n'est pas à vous que nous allons apprendre que lorsqu'on touche à l' "ISO", c'est souvent parce que le sujet est en mouvement en plus du manque de lumière. 

Et pour être en mouvement, vos marchés potentiels sont terriblement en mouvement eux! A tel point qu'il faut parler de "révolution numérique" ce qui est bien la forme parachevée du mouvement. Alors, toutes affaires cessantes, et pour perdurer, "montez l'ISO" marketing sans vous concentrer uniquement sur le marché des professionnels, beaucoup trop étroit, pour affronter vos concurrents sur le leur: celui de l'APN selon une gamme large à dominante très technique si vous le voulez, puisque vous savez faire ça très bien, et des services associés. 

Ou encore, et puisque vous êtes des spécialistes hyper pointus des serveurs informatiques pour le cinéma numérique, explorez dans le même temps avec la manne engrangée ailleurs, même à faible marge, les ressources utiles au développement de vos talents quasi uniques sur ce type de produit/service. 

Car de même que la photo est devenue numérique, le cinéma a lui aussi amorcé sa révolution numérique (il se porte très bien -même si l'on peut discuter la forme- tant le monde a besoin de rêve, Scorcese vient de vous le rappeler dans son fort joli "Hugo Cabret", en remontant à ... Méliès, contemporain de votre fondateur. Ce qui ne s'invente pas...). Vous le savez mieux que quiconque. Alors de grâce, verrouillez ailleurs l'ISO marketing de votre shooting photo sur le marché classique de la photo numérique pour déployer ici par exemple votre excellence.

Vous nous direz peut-être que c'est tout cela que vous cherchez à faire pour cette nouvelle phase de tournage. Mais qu'il vous manque un trépied économique et financier pour stabiliser la prise de vue et parfaire vos réglages afin que la future photo de Kodak, toujours elle, soit belle et nette. Et que la loi sur les faillites, dans son chapitre 11 déjà mentionné, constitue le support idéal et indispensable à cette nouvelle capture. 

A plus de 100 ans, vous êtes assez grands pour savoir ce que vous avez à faire, tant les entreprises de votre âge, de votre surface et de votre notoriété sont rares. Nous vous faisons confiance.

Tout en esquissant ceci, accessoirement bien sûr:

Le Président sortant de la grande nation à laquelle votre entreprise appartient, déjà malmené et dont la crédibilité a été entamée notamment par la perte du triple A et la difficulté extrême à faire adopter un budget convaincant il y a quelques mois, a besoin lui aussi de symboles forts pour envisager sa réélection. Les Républicains vont inévitablement donner dans la surenchère, caucus, primaires et autres subtilités électorales obligeant. 

Vous devriez pouvoir profiter efficacement de cet espace politique pour faire avancer vos affaires, même si l'exécutif n'est pas le judiciaire, dans un pays ou le lobbying n'est pas une chose honteuse mais l'une des composantes de la vie économique (il est aussi présent chez nous, mais, morale judéo-chrétienne oblige, sous une forme non assumée et donc perverse. Que voulez-vous, l'éthique protestante favorise l'esprit du capitalisme, pas la morale chrétienne, comme l'a démontré un certain Max Weber dont votre grand pays connait parfaitement les thèses. On a l'économie de ses présupposés). 

En outre, votre Chef Suprême est sans aucun doute beaucoup plus crédible quand il parle d'économie en général et de sauver des entreprises en particulier que notre aimable et frénétique locataire élyséen avec son bail de 5 ans qui cherche en ce moment même à sauver l'une de nos entreprises, la Société Seafrance pour ne pas la nommer, au moyen d'une autre entreprise historique, la SNCF (qui marche elle aussi vers ses 100 ans), mais sans bien comprendre les règles du jeu. D'où le délire économico-politico-juridique nous dans lequel nous sommes entrés (nous y reviendrons prochainement ici).

Vous, au moins, devriez avoir en face de vous une administration économique locale et centrale fédérale avec laquelle discuter de façon constructive pour envisager l'avenir en marge de vos avancées judiciaires, parce qu'elle fait ce qu'elle dit et dit ce qu'elle fait, elle. Ce qui est plutôt rassurant pour votre belle entreprise (et accessoirement très inquiétant pour les nôtres, mais c'est un autre débat).

Nous vous laissons travailler à votre renaissance, tout habités que nous sommes encore d'un autre mythe de la photographie qui a utilisé vos films et votre technologie "Kodak Gray Scale" avec le rendu époustouflant que l'on sait, un certain Studio Harcourt que nous avons en grande estime. Un ancien, comme vous, qui sait remarquablement prendre le virage de la modernité avec sa "Cabine Photo Luxe". Vous voyez bien que tout est possible!

Aussi, avec de tels géants de la photographie associés à votre nom, vous n'allez quand même pas tomber devant la "petite" (et gigantesque à la fois, nous en avons assez parlé, mais vous êtes de taille à relever le défi économique) déferlante numérique.


Allez, mythiques amis de Kodak, un petit effort, souriez, vous êtes filmés!

Clap de (nouveau) début!

PS
Ah oui, encore un détail: nous n'aimerions pas davantage que la formule "clic clac merci Kodak", véritable chef d'oeuvre marketing et culturel, soit renvoyée aux catacombes pour icônes de l'industrie et de la culture visuelle. Merci donc de faire en sorte que personne ne puisse écrire "Clic clac, au revoir Kodak". Bien à vous.

L'un de vos admirateurs et obligé.


capture d'écran du site lemonde.fr



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