samedi 7 janvier 2012

A propos du réalisme


Instant philosophique. A propos du réalisme.

(Autour d'une citation de Dostoïevski empruntée aux "Les Frères Karamazov" que l'on trouvera ci-dessous)

De l'essence du réalisme et du permanent éveil de la conscience qu'il implique, aux antipodes de la naïve et illusoire et prétendue soumission aux "faits", qui ne fait rien d'autre que cristallier tous les a priori, les préjugés, les présupposés, nous détournant des choses, de la juste perception du monde et des êtres et, peut-être de la vérité. 

De l'aberration que constitue un certain néo-positivisme ambiant (et déjà ancien), et de la force prétendument probante des seuls "faits" dont certains attendent qu'ils parlent d'eux -mêmes, comme par miracle, position dont on se demande comment on peut encore sérieusement s'en réclamer tant tout dans une épistémologie rigoureuse et lucide, montre que la démarche est erronée, le fait n'étant constitué que pour une conscience qui le vise intentionnellement et le constitue comme objet de pensée par ce mouvement rationnel même. 

Du scepticisme et du doute méthodologique comme fondements du réalisme, qui est avant tout un effort de soi comme un travail sur soi, parfois douloureux, pour trouver le chemin complexe de ce qui fait sens, antinomique d'avec la simplificatrice et au final stérile voire dangereuse acceptation de "faits" qui ne sont souvent que des pensées déjà élaborées qu'on tente de faire passer pour autre chose que ce qu'elles sont. 

De la lucidité, parfois terrible, qui en découle, qui n'est pas sans incidence sociale, tant "l'être social" se trouve la plupart du temps rassuré par la contemplation superficielle de "faits" supposés tels, alimentant un grégarisme problématique et à l'origine de toutes les manipulations, la démagogie occupant ici un espace socio-politique important, qui se nourrit de cela.

De la limite a priori de toute religion, mais aussi et par extension de tout corpus de pensée aliénant, lorsqu'elle réclame la reconnaissance servile du fait par adhésion inconditionnelle du vouloir, alors que la dignité du sujet véritablement libre le pousse à affirmer son identité par le déploiement d'une pensée qui dépasse ses objets et la factice valeur probante des faits, et cherche à faire sens, ne reconnaissant rien d'autre à la fois que ses forces, et le mouvement volontaire par lequel elle le constitue. 

En ce sens, et pour reprendre la remarquable analyse hégélienne, la caractérisation de la pensée définie comme "le lent et douloureux travail du négatif", seule voie pour échapper à la vacuité des faits qui ne disent jamais rien tant qu'on ne les fait pas parler par ce travail spécifique là.

«Un véritable réaliste, s'il est incrédule, trouve toujours en lui la force et la faculté de ne pas croire, même au miracle, et si ce dernier se présente comme un fait incontestable, il doutera de ses sens plutôt que d'admettre le fait

Fiodor Dostoïevski
Les Frères Karamazov (extrait)





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