jeudi 6 octobre 2011

Des primaires et de la Vème République



Ainsi donc François Fillon a-t-il déclaré hier que "La primaire est un processus moderne qui convient à droite comme à gauche pour les grandes élections". Son camp appréciera la sortie, à ce stade de la non campagne de l'actuel chef de l'Etat.

Mais sur le fond maintenant, voilà qui est très bien, M Le Premier Ministre. Au moins vous aurais-je trouvé une réflexion censée en un quinquennat. 
Reste à convaincre notamment et principalement votre ami (me serais-je trompé?) M Copé puisqu'il brigue, c'est un secret de polichinelle, la magistrature suprême pour 2017. Ce n'est pas gagné. Mais alors vraiment pas du tout tant le sujet est psychorigide, ambitieux, autoritaire, autocratique, manipulateur, imbu de lui-même et autres traits de personnalité au demeurant si attachants. Quant au principal intéressé, même si les statuts de l'UMP prévoient la faculté d'organiser des primaires, le Président sortant est dispensé de leur mise en oeuvre éventuelle. Ce ne sera pas pour cette fois-ci, donc.

Mais courage, républicains de tous bords! Un jour peut-être, d'ici cinq ans minimum voire au-delà, pourrons-nous avoir une démocratie mature qui cesse d'invoquer "la confrontation d'un homme et d'une nation" (qui s'imposait lorsque De Gaulle a théorisé cette vision institutionnelle; qui ne s'impose plus, lorsque notre République est déjà malade d'une dérive monarchiste de la fonction présidentielle) pour justifier la plupart du temps en premier lieu un rapt systématique sur les partis qui devraient pourtant concourir à l'expression du suffrage, et par là-même un étouffement des aspirations et propositions quel que soit le camp; en second lieu la confiscation du débat électoral au profit de l'adhésion largement émotive et irrationnelle à un individu, qui ouvre la porte à une stratégie de communication politique en lieu et place de la réflexion et de l'échange politique; en troisième lieu et contre toute attente le dévoiement, la banalisation voire l'instrumentalisation de l'élection reine, la technique de conquête du pouvoir qui fait de ce dernier sa propre fin se substituant à un ordre démocratique dans lequel un homme se met au service de la nation dans toute sa diversité.

Certes, il faudra veiller très attentivement à ne pas donner dans une nouvelle forme de la politique spectacle version Etats-Unis. Certes, il faudra veiller encore plus soigneusement à ne pas laisser disparaître, parce que broyée par un bipartisme d'autant plus écrasant qu'il sera "pluriel" en son sein, ou rendre inaudibles (ce qui revient au même) la pluralité des partis et des voix qui contribuent au débat démocratique (les avantages) mais aussi à l'émiettement, à la dispersion des voix et donc aux surprises électorales (voir 2002, pour mémoire) ou à l'instabilité institutionnelle (les inconvénients). 
Plus largement, la mise en oeuvre de primaires au sein des grands partis politiques, qui "aspirent" ou "siphonnent" assez naturellement tous les aspects des grands débats, menace, de fait, un certain pluralisme politique. Tout sera donc affaire d'équilibre non pas seulement à l'intérieur des partis (les règles de mise en oeuvre des primaires), mais aussi dans la gestion de la représentation politique et de l'accès à la parole publique de l'ensemble des partis dans leur diversité. 
C'est peu dire que de telles primaires généralisées vont réclamer une "pratique institutionnelle et politique" pour pouvoir remplir leur office démocratique. La primaire socialiste constitue en cela un bon exemple autant qu'une première exploration fort instructive, qui ne parvient à une forme d'efficacité et n'acquiert valeur plus grande et force probante qu'à sa seconde édition. 

Mais pour l'heure ne boudons pas notre plaisir face à une réelle évolution des mentalités politiques, quand bien même elle apparaît dans le discours dissonant d'un Premier Ministre en fin de parcours, qui aura par ailleurs, contribuant ainsi au délitement de nos institutions, accepté de voir sa fonction constamment et profondément bafouée, humiliée, niée, de la part de l'autre tête de l'exécutif et même de la part d'un simple Président de groupe à l'Assemblée. Signe, voire preuve que derrière le débat sur les Primaires, c'est celui sur la Vème République et ses institutions qui est en cause. Autant que celui sur la façon de refonder la légitimité du politique.


Capture d'écran du site Google Actualités

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