mardi 25 octobre 2011

Du coaching, du langage et de la "bancalité"




Petite histoire naturelle du coaching (extrait) - Du coaching, du langage et de la "bancalité".

Lu ce jour, et venant d'une coach spécialisée dans ... on ne sait pas trop en réalité tant le spectre est large et confond tout et n'importe quoi:

"(...) si l'équilibre parfait n'existe pas, la prise de conscience de la "bancalité" constitue la moitié du chemin à accomplir et la force du regard extérieur y apporte un éclairage d'une grande puissance (...)" 

Chère Madame,

Quel besoin d'aller inventer ce néologisme horrible tant à l'oreille qu'à l'entendement: "bancalité". Vous auriez pu évoquer les "déséquilibres" que le propos n'aurait en rien perdu au change. Ni en intensité, ni en précision. Il aurait même gagné en crédibilité. 

Davantage, opposer la recherche de l'équilibre à la réalité des déséquilibres multiples comme point de départ de la relation à vos clients (vous me permettrez de ne pas rentrer dans le jargon si caractéristique de votre corporation, j'allais dire de votre secte. Mais pardon de n'avoir pu retenir ma plume), et du travail que ces derniers auront à accomplir sur eux mêmes, c'est montrer ce qui est en tension, ne pas stigmatiser, et donner à voir que le but est accessible: la situation d'équilibre qui est réajustement et redéploiement harmonieux des composantes (humaines, personnelles, sociales, professionnelles, affectives, économiques) dont le désordre, le caractère anarchique, mal pondéré, est la cause du déséquilibre. 

La "bancalité" est d'un autre ordre. Le déséquilibre appelle l'équilibre. La "bancalité" dont vous parlez n'appelle rien. Rien de plus que le vide qui la sous-tend, et le vide vers lequel elle projette, soigneusement masqué par le néologisme fondateur. 

Vous allez dire que ce n'est qu'une question de mot. Mais précisément. Votre activité de coach n'utilise fondamentalement que cela chère Madame: des mots. Comme autant de moyens pour faire levier et permettre une réappropriation et une prise de conscience dans et à travers le discours (On comprend votre gêne, dans l'exercice de votre activité, à ne pas passer pour les psychothérapeutes voire psychanalystes que vous n'êtes pas, vous et vos confrères, tout en empruntant sans cesse le vocabulaire, les méthodes, les schémas des praticiens diplômés, eux - je ne parle pas de vos certifications de coachs (si possible portant l'estampille d'une "école", d'un courant, d'un "gourou") la plupart du temps dérisoires et auto-justifiées. On comprend d'autant mieux que vous ne tirez pas l'efficacité de vos interventions de vos propres méthodes, mais de disciplines à vocation thérapeutiques, qui recherchent la guérison du sujet par une double exploration du langage et de la psyché). 
C'est dire à quel point votre faute de langage n'est pas une simple question de terme mal choisi mais une illustration du déséquilibre intrinsèque de votre activité. Comment se frayer un chemin entre la psychologie de comptoir et la psychothérapie ou la psychanalyse, cherchant à la fois à se détacher de la vanité et de l'inefficacité de la première, sans pour autant avouer qu'on n'a comme seule légitimité que celle qu'on tire de la fécondité des secondes, par la valorisation du discours du sujet?

Toute secte a besoin de créer son lexique, son univers symbolique, sa théorisation du monde, du rapport à autrui, du sujet. Votre "bancalité n'est pas un exemple mais un symbole. Vous connaissiez le mot "déséquilibre", j'en suis convaincu, et pourtant vous ne l'avez pas utilisé. Tout simplement parce que votre "théoria" de coach répugne à s'appuyer sur un langage simple et essentiel. Vous et vos confrères avez besoin d'une rupture sémantique pour justifier vos prétendus apports. La "bancalité" ou le symbole de l'auto-proclamation comme de la dérive pseudo-médicalisante voire sectaire possible et contenue en germe dans toute démarche de coaching.

Au regard de cela, de tout cela, votre seconde faute, une vraie faute de langage elle, et non un lapsus méthodologique, qui vous fait, je vous cite, "accomplir" un chemin au lieu de le "parcourir", n'est rien. 
On vous pardonne bien volontiers la seconde. A l'inverse, la première dit l'univers qui sépare l'honnêteté intellectuelle et même sociale, de la façon que vous avez de promouvoir à travers votre discipline de "coach" une épouvantable et dangereuse mixture qui s'alimente aux peines, aux souffrances, aux désirs, aux difficultés, aux aspirations de vos clients, quels qu'ils soient, à trouver en tous domaines un véritable équilibre, au demeurant si difficile à conquérir. 

Vous me permettrez de conclure en citant Louis Lavelle, qui souligne d'une façon autrement riche notre état originel commun de déséquilibre, et notre aspiration universelle à l'équilibre: 

"Il n'est de véritable équilibre qu'un équilibre difficilement acquis et sans cesse reconquis".



Post Scriptum 
Vous me permettrez encore de ne pas commenter la rhétorique digne de Ron Hubbard et de l'imposture caractérisée qu'incarnent sa dianétique (et dire que le mot est emprunté à la métaphysique et à la psychologie platonicienne qui distinguaient la faculté de voir l'essence des choses, le "nous", de la "dianoia" ou intellect discursif, la pensée étant langage pour s'approprier le monde - vous voyez, on est en plein dans ce que vos méthodes effleurent) et sa scientologie, lorsque vous évoquez, dans un élan quasi mystique, la "grande puissance" (je vous cite n'est-ce pas) apportée par le "regard extérieur". On frémit de penser que certains se placent entre vos mains.

Post Scriptum II

Je vous fais grâce de l'exposé critique de ce que m'inspire votre récente création d'une plateforme de coaching téléphonique 6j/7j de 7h à 21h. Jusqu'ici et sous cette forme, il y avait l'horoscope et la prévision astrale, le sex-phone mais avec des horaires étendus pour cause de ciblage marketing, les renseignements. 

Grâce à vous, les hommes et femmes en quête, sincère et parfois vitale, d'équilibre pourront se faire délester de leurs précieux euros sans vous voir, sans aucune obligation de quelque nature que ce soit, sans que vous n'ayez à assumer la moindre problématique ni la moindre conséquence, etc. 

Le coaching téléphonique ou la vérité du coaching enfin révélée!








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