vendredi 21 octobre 2011

A la recherche de la source de l'écriture et de la vie avec René Char




Méditation sur l'écriture et la vie, à partir d'un poème de René Char.

Ne sommes-nous pas tous consumés, souvent, par une forme d'urgence. Urgence à dire, urgence à faire, urgence à écrire. Ce que nous nommons "vivre". Mais dans quoi cette urgence qui s'impose à nous si violemment plonge-t-elle ses racines?

Le poète qui explore les mondes croit désaltérer sa plume à la source de la vie. Qui nous dit ce qu'il voit, lui qui regarde si loin, si profondément, de façon si vaste, et qui nous éclaire et nous aide à vivre. Justement.

Et pourtant. Pourtant ce n'est pas la vie qui nous éclaire le plus ou le mieux. Ce n'est sans doute pas avec un discours sur la vie, si douloureusement produit, que le poète se révèle le guide le plus précieux. La vie toujours et par essence imparfaite, fragmentée, insatisfaisante, frustrante, inachevée, douloureuse. Tant pour celui qui la traverse que pour celui qui la narre, la transcrit, l'écrit: le poète.

Non, si le poète veut aller jusqu'au bout de son destin et nous aider à parcourir le nôtre, alors et paradoxalement c'est vers la mort qu'il doit se tourner. La mort qui introduit dans nos vies le tragique, la grandeur, la transcendance, l'incommensurable. La mort qui dit le sens ou à tout le moins force à le dévoiler. Le poète devenant alors un merveilleux, irremplaçable et intime déchiffreur.

Mais au fond, que nous dit d'autre René Char, que la voix irremplaçable que constitue la méditation ou l'écriture sur la finitude, fut-elle inexorable, pour mesurer la valeur de la vie. Le poète, explorant la mort et les limites qui s'imposent à nous, nous dévoile alors dans le même temps l'infini qui nous habite et que nous habitons. Observer avec le regard du poète la face du néant dans une dialectique vertigineuse, c'est ainsi s'ouvrir sans limites au jaillissement de la vie. Et vivre ou écrire en puisant à la source vive.



Tu es pressé d'écrire,
Comme si tu étais en retard sur la vie.
S'il en est ainsi fais cortège à tes sources.
Hâte-toi.
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance.
Effectivement tu es en retard sur la vie,
La vie inexprimable,
La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t'unir,
Celle qui t'est refusée chaque jour par les êtres et par les choses,
Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés
Au bout de combats sans merci.
Hors d'elle, tout n'est qu'agonie soumise, fin grossière.
Si tu rencontres la mort durant ton labeur,
Reçois-là comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride,
En t'inclinant.
Si tu veux rire,
Offre ta soumission,
Jamais tes armes.
Tu as été créé pour des moments peu communs.
Modifie-toi, disparais sans regret
Au gré de la rigueur suave.
Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
Sans interruption,
Sans égarement.

Essaime la poussière
Nul ne décèlera votre union.

René Char - Le Marteau sans maître





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Vous avez la parole!