jeudi 27 octobre 2011

Du fédéralisme et de la crise de la zone euro




Décalage

Si j'en juge par ce que j'ai lu sur mon flux Facebook, dans les commentaires formulés ce matin sur les réseaux sociaux, sur les blogs, dans certains papiers déjà - mais très peu en effet. Grégarisme journalistique oblige-  les citoyens européens, eux (Je ne parle pas des marchés qui ont spéculé gaiement dès l'ouverture. Normal, il s'agit de leur métier qui est simplement "amoral". Or ils viennent de gagner pour la deuxième fois sur le dos de la crise de la zone euro), ont l'air absolument ravis et enthousiastes au sujet de l'accord auquel les négociateurs et chefs d'Etat sont parvenus à propos de la crise de la zone euro. Je ne dis pas de son règlement puisque précisément, rien n'est réglé. On a tout juste circonscrit les flammes les plus agressives de l'incendie ravageur qui sévit. Sans neutraliser le foyer. Et encore moins en s'engageant dans une reconstruction adaptée. Le problème peut se reproduire demain matin. Encore aggravé. Ce qui arrivera. Nécessairement. Alors que nous aurons encore moins de réserves d'eau pour lutter, puisque nous n'en avons déjà plus. J'en veux pour preuve la forme de l'extension de la capacité du FESF. 

Il est des baromètres improvisés qui, sans avoir aucune valeur sociologiquement probante, donnent une vision à tout le moins fort intéressante du clivage entre instances européennes et réalité démocratique et citoyenne.

Mmes et MM les dirigeants et autres conseillers et négociateurs, 

A force de jouer avec le feu de l'aide inconditionnelle et sans contrepartie aux acteurs financiers (les banques), celui des tours de passe-passe entre comptabilité publique et comptabilité des banques (qui va, réellement, supporter la charge de l'effacement de la dette, au-delà de vos déclarations floues sur le fait que la recapitalisation ne coûterait pas un centime à l'Etat français?); 

de ne mettre en face de vos dispositifs financiers dérisoires absolument aucun élément de gouvernance financière pour que ce qui existe ne se reproduise pas (vous n'avez absolument rien fait contre le shadow banking, ni sur le volet de la gouvernance des produits financiers dérivés, par exemple. Et surtout, ne nous dîtes pas qu'il est prévu "d'aborder le sujet" lors du prochain G20 des 3 et 4 Novembre à Cannes! Comme si on décidait quoi que ce soit lors d'un G20! ); 

de faire semblant de vous engager sur la voie de l'anticipation et de la solidarité (le soi disant relèvement de la dotation du FESF avec un "levier" de 4 mais sans que les modalités aient même fini d'être négociées, et quoi qu'il en soit pas par un montant disponible, outre des garanties non conclues), alors que vous en demeurez en réalité à une logique comptable étriquée, à courte vue, sans commune mesure avec les risques (l'Italie demain matin, la France dans 3 mois, et l'Allemagne après-demain, quoi qu'en dise et surtout en cache Mme Merkel, grande donneuse de leçon devant l'éternel, sans pourtant aucune légitimité économique ou historique ); 

de prendre des décisions, nécessaires au demeurant, d'effacement de la dette grecque tout en laissant cette dernière exsangue, avec des actifs nationaux mécaniquement dévalorisés par l'effacement de 50% de sa dette, une économie asphyxiée par la charge de la dette restante, une croissance dégradée à l'extrême et plus rien pour la soutenir compte-tenu du carcan imposé par la Troïka (faut-il vous apprendre que la croissance ne survient pas toute seule mais qu'elle a besoin d'être relancée ou soutenue. Mais avec quoi?); 

de planifier, mais sans le dire (ou pire, sans le voir, ce qui serait encore plus irresponsable) une asphyxie économique grave de toute la zone euro, puisque les capitaux et garanties ainsi mobilisés et octroyés à travers votre plan de sauvetage, en sus du respect des critères du pacte de stabilité pourtant devenus économiquement et socialement insupportables, vont induire un renforcement et une extension généralisée et durable des plans d'austérité qui vont tuer définitivement la croissance dans tous les Etats de la zone euro (il ne vous aura pas échappé que la France vient d'entrer en récession en Octobre selon Markit, n'est-ce pas?). Avec les terribles conséquences que l'histoire a enseigné. Mais êtes-vous attentifs à l'Histoire?; 

A force de tout cela donc, vous allez avoir beaucoup de mal a endiguer la montée des réticences, résistances, d'un sentiment anti-européen (ou tout du moins un sentiment de rejet de l'Europe dont vous assurez la promotion, alors que l'opinion semble favorablement et lucidement disposée au fédéralisme, à un fédéralisme politique et non à une nouvelle construction technocratique et vidée de fondements, mécanismes et ressorts démocratiques), replis identitaires, nationalismes abjects (La France va tomber, une fois encore, de très haut au mois de Mai 2012, et votre responsabilité sera considérable), mais aussi de désespérances ou désespoirs multiples (méfiez-vous de ceux qui n'ont plus rien à perdre, tous âges, tous niveaux de formation, toutes ères géographiques confondues. Ils pourraient finir par déstabiliser vos politiques de "petits pas" politiques et économiques européens- "petits pas" valorisés à quelques centaines de milliards d'euros tout de même). 


D'un mot, votre Realpolitik (l'Allemagne toujours...) pourrait briser net l'Europe. Dans un délai très rapproché. Economiquement; politiquement; mais aussi, ce qui est beaucoup plus grave puisque l'Europe est née là, dans l'esprit même des Européens.

A force de ne pas construire l'Europe des citoyens et des peuples, celle des Nations dans ce qu'elles ont d'essentiel, par impossibilité d'assumer un fédéralisme explicite, tout en devant imposer les mesures budgétaires qui découlent des conséquences négatives au plan économique et financier de votre laisser-faire néo-libéral irresponsable, vous allez finir par butter sur l'Europe des Etats égoïstes, en vous coupant de cela seul qui permet la construction européenne: le sentiment et la fierté qu'ont les citoyens de chaque Etat européen d'appartenir à la fois à leur Nation et à cette grande entité européenne et solidaire là, qui n'est toujours pas constituée politiquement, dans un monde sculpté par des géants économiques. 

C'est cela et cela seul désormais qui vous permettra de faire admettre des options budgétaires et financières comme celles que vous avez encore adoptées sans aucun consensus ou adhésion de l'opinion. Vous avez plus peur des marchés que de vos opinions. Grave erreur pour qui regarde l'Europe dans la durée. Il est encore temps, mais tout juste compte-tenu des engagements (considérables), sauvetages et politiques d'austérité que vous devez appliquer, de vous ressaisir et de redonner une dimension démocratique à vos actions. Après, il sera trop tard. 

N'avez-vous pas l'impression, cette fois-ci, que c'est le vent non pas du boulet que vous avez senti, mais celui de la chute désormais commencée?

Capture d'écran du site leplus.nouvelobs.com



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