mardi 18 octobre 2011

Du mensonge



Aphorisme



De l'incomparable intérêt de la vérité. Des limites du mensonge. Mais aussi de la terrifiante persistance des conséquences du mensonge.

"Les avantages du mensonge sont d'un moment, et ceux de la vérité sont éternels ; mais les suites fâcheuses de la vérité, quand elle en a, passent vite, et celles du mensonge ne finissent qu'avec lui.
Denis Diderot

*

L'ami
Et pourtant, du rêve au mensonge, n'y a-t-il pas parfois l'espace d'un songe? Le mensonge n'est peut-être pas aussi sombre que Diderot semble le suggérer. Il emporte avec lui la puissance de l'imaginaire qui le fait exister.

Lui
Ton élégant et onirique commentaire m'inspire ceci, mon ami: Il existe incontestablement une "esthétique du mensonge". Ainsi peut-on trouver qu'un mensonge est "joli". Comme avec les enfants. Ou les plus grands. Comme lorsque le travestissement de la vérité devient une oeuvre d'art. Mais cette esthétique ne peut sans doute demeurer que tant qu'on n'en est pas dupe. Dès lors qu'il s'agit de jouer à cache-cache avec son mensonge, et je n'ai pas dit "avec la vérité" à dessein, alors on entre dans ce que j'appellerai volontiers "l'éthique du mensonge". Qui n'a absolument rien à voir avec une approche morale de cette expérience de conscience. 

Le mensonge prend alors une toute autre allure. Cynique, efficace, de circonstance, d'Etat. Il répond alors a minima à un utilitarisme. A maxima à une froide logique (je repense à l'instant à tel chef de l'Etat français, expert en la matière). Mais invalidante, venimeuse, parfois même destructrice. Tel est le cas du secret ou "mensonge de famille",  mais aussi du "mensonge d'Etat". Il est d'ailleurs curieux de voir comment le "secret" se pare inévitablement des atours du "mensonge". 

Se pose aussi la question du "pieux mensonge". Fort éloigné du joli mensonge contenu dans le "rêve" que tu évoques. A-t-il bien au fond une quelconque légitimité, ce "pieux mensonge"? En réalité, je n'y crois pas. Faut-il se raconter des mensonges pour vivre de jolis rêves? Ou ne faut-il pas plutôt investir de jolis rêves pour tenter d'en faire autant de réalités, laissant là le stérile et envahissant mensonge qui coupe du plaisir et du bonheur authentiques? Plus radicalement, faut-il préférer une esthétique de l'existence à une éthique? Kierkegaard hiérarchisait les deux approches au profit de la seconde. Nietzsche récuse la seconde au nom de sa critique du ressentiment. Si seule la vie, l'affirmation de soi, le vouloir vivre comptent, et si le mensonge contribue à la vie, alors pourquoi se préoccuper d'éthique? 

Quoi qu'il en soit, l'alternative est suffisamment vaste et féconde pour que chacun puisse y déployer son intimité et ses choix existentiels. Dans un sens... ou dans l'autre. Ou parfois les deux tour à tour. Car nous sommes complexes, n'est-ce pas?




 

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