jeudi 27 octobre 2011

Mozart et l'âme russe



Mozart savait-il ce qu'est "l'âme russe"?

Intuitivement, voilà qui est plus que probable. Car lorsque ce second mouvement de la Symphonie concertante vient sous l'archet de l'altiste Bachmet et du violoniste Vengerov, deux purs et admirables produits de l'école russe, imprégnés de sa tradition la plus ancienne et la plus authentique, une évidence s'impose: cette oeuvre a été écrite pour exalter un lyrisme comme seule l'âme russe en produit. 

Un mouvement comme une interminable plainte à deux voix; comme une déchirure. N'essayez pas de savoir qui souffre et qui compatit de l'alto et du violon: c'est impossible. L'oeuvre est fusionnelle qui fait supporter le chant et son contrepoint tour à tour par l'une et l'autre voix. Voudriez-vous vous représenter "l'empathie" dans l'univers sonore que c'est sans doute cette oeuvre là qu'il faudrait retenir. Tout le spectre des cordes est couvert grâce aux deux instruments, c'est là le trait de génie de Mozart, au service d'un motif d'une transcendante simplicité. D'où l'évidence du beau. Et la façon dont nous sommes littéralement projetés dans une expérience purement émotionnelle à la fois merveilleuse et éprouvante.

Si "l'âme russe" désigne l'incandescence de l'émotion; une vibration intime à la fois charnelle et spirituelle qui tour à tour caresse et submerge; un oubli de soi dans l'expérience émotive qui transporte sur des rives où le sujet (l'auditeur, le lecteur) est épuisé de bonheur et de souffrance; une façon de rendre la spiritualité immanente au ressenti, à fleur de chair et d'esprit; un délicieux et terrible, voire tragique frisson qui nous traverse, nous élève et nous épuise- si "l'âme russe" est cela, alors ce second mouvement de la symphonie concertante de Mozart a été composé par un russe. Ou par un génie qui en avait compris et saisi l'essence. Avant de la traduire en musique. Une musique ici servie par deux musiciens russes distants d'une génération, qui en sont de vivantes et éblouissantes incarnations. Pour notre plus grand bonheur. Celui de goûter l'âme slave de l'intérieur durant quelques minutes. D'être russes. 




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