mardi 18 octobre 2011

Martha Argerich et la partita N°2 pour piano de Bach




Prélude

La 2ème partita pour piano de Bach par Martha Argerich ou comment rendre lyrique et délicat ce qui est en soi imposant et austère.

Ici, Argerich, tout à la fois impétueuse, puissante, implacable, austère précisément par moment, lyrique, aérienne, subtile, d'une énergie stupéfiante, d'une lumineuse clarté, limpide, obsédante, indomptable et pourtant d'une rigueur sans faille.

Là, la 2ème partita pour piano de Bach, ou comment créer une tension extrême en mettant en scène seulement deux "petites" voix, dans un contrepoint où tout est agencé pour soutenir l'effet dramatique. Mais aussi comment maintenir une unité exemplaire malgré et paradoxalement grâce à la succession des moments. Ou encore, comment faire qu'un même souffle transcende et anime la diversité des motifs et exposés qui se succèdent.

Une partita est en soi une forme très rigoureuse. Presque ascétique. Tout au plus peut-on faire varier quelque peu l'ordre des parties. Ici, le choix de Bach s'est arrêté sur Sinfonia-Allemande-Courante-Sarabande-Rondeau-Caprice. La fugue à deux voix quant à elle ne laisse a priori que peu de place à l'invention. Pourtant la magie opère. Par la grâce de Bach qui explore toutes les pistes pour moduler le dialogue entre les voix. Par celle d'Argerich qui, dans une retenue et une sobriété remarquables, sans presque aucune pédale, dans une relation à la fois spirituelle et charnelle avec le clavier, s'attache constamment à faire chanter chaque voix, sonner chaque note, libérer l'énergie de chaque arpège et de chaque canon dans une continuité harmonique et mélodique époustouflantes.

On joue parfois cette oeuvre trop vite, de façon brillante. Comme le Rondeau ou le Caprice final semblent y inviter dans la folie de leur exposé. Erreur. La virtuosité gratuite n'a ici aucune place. L'oeuvre parle d'intériorité, qui est grave. Elle s'ouvre d'ailleurs sur un Adagio noté comme tel. On la joue parfois de façon gracieuse. Autre erreur. Il n'y a pas de place non plus pour l'élégance. Ce qui se joue ici est dramatique et profond. L'élément est spirituel.

Faire chanter les voix sans jamais faire la moindre incursion dans le romantisme qui demeure aux antipodes de ce qui est en cause. Inversement, restituer le lyrisme et la délicatesse extrêmes des émotions intimes et profondes, sans sacrifier pour autant l'ampleur comme la rigueur de la construction. Tel était le défi.

Il fallait toutes les qualités d'Argerich pour atteindre et conserver tout au long de l'interprétation ce point d'équilibre parfait, réinventé à chaque mouvement, à chaque thème, à chaque motif, à chaque modulation, à l'entrée comme à l'exposé de chaque voix.

Sans cette rigueur pianistique extrême, ni la structure de l'oeuvre de Bach, ni son unité, ni sa subtilité ne seraient apparues. Sans cette énergie associée à cette capacité de contenir l'émotion pour la rendre spirituelle et la faire comme exploser ou se révéler sur chaque note, et sur l'ensemble des notes, ni la subtilité, ni la finesse, ni la vie intérieure de l'opus n'auraient pu se manifester.

L'indomptable Martha Argerich semble presque se laisser ici apprivoiser. Mais c'est réalité pour mieux ouvrir la voie qui mène à l'intériorité. Une intériorité palpable, tout est là précisément. Toucher du doigt l'insaisissable. Sans démonstration mais avec puissance. Sans mièvrerie aucune mais avec grâce. Sans pathos mais avec présence. Déjà plus spirituelle que charnelle. Transcendée. Transfigurée.


SINFONIA (Grave-Adagio) - ALLEMANDE (Andante - Allegro)




COURANTE - SARABANDE



RONDEAU - CAPRICE




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