jeudi 8 décembre 2011

Bach et la Joie, autour de la Cantate BWV 147




Pour qu'il ne soit pas dit que les spasmes comme les convulsions du monde, une certaine laideur étalée, l'ignominie ou l'indignité, la souffrance et la peine - celle des individus ou celle des peuples- ont le dernier mot.

L'art donc contre la finitude, et ici l'esthétique musicale, pour toucher à l'essence. Platon avait décidément cerné au plus près ce qui est en cause lorsque les merveilleux aventuriers du Beau se transforment en magiciens de l'âme.

Et le Bach du Choral "Jesus bleibet meine Freude", celui de la joie enveloppante qui marque la réconciliation de l'humanité avec elle-même, celle de l'homme avec soi, par delà tous les doutes et les affres, dans une confiance et un abandon empreints d'une immense sérénité. Le sublime rendu ici accessible pouvant absolument se passer de verticalité religieuse.

Chacun connait cet hymne. Ici dans cette la version absolument remarquable de Laurence Equilbey à la tête de la formation Accentus.

Majestueux sans être théâtral; expressif à l'extrême sans être grandiloquent; intense sans être pesant; intime, délicat, lumineux.

Lumineux comme la joie éclaire un regard d'enfant qui vous aime et qu'on aime;

Lumineux comme la joie qui fait que les pleurs troublent le regard lorsque l'on accède à quelque chose d'infiniment beau, qui appartient à la nature ou à l'humanité peu importe, que tout s'en trouve exalté, et que c'en est presque trop, d'où les larmes. De joie, précisément;

Lumineux comme la joie qui transporte d'avoir retrouvé l'être aimé qu'on croyait disparu, la paix qu'on croyait perdue, l'insouciance qu'on croyait égarée, la paix du corps qu'on croyait effacée, la mémoire qu'on croyait dissoute, la vie qu'on croyait dissipée.

Lumineux comme la joie qui façonne ce chant de l'âme qui s'élève alors et que rien ne semble devoir arrêter. Cette âme qui dit la joie, et qui devient elle-même joie.

Bach aura su capter avec une subtilité infinie cette mélodie à la fois intime et transcendante qui nous habite ainsi parfois.
Laurence Equilbey, ne forçant jamais le trait (l'équilibre des voix, claires, rondes, douces, est admirable; le chant de la trompette, contenu, est fusionnel; celui des hautbois est bouleversant de délicatesse et d'expressivité; la polyphonie est d'une rare élégance; les violoncelles se font aériens; les violons se font soyeux, qui semblent caresser le motif pour le décrire dans ses courbes. Tout est harmonie)- sait ici revisiter l'opus en explorant avec une grande intelligence musicale et émotionnelle, cette joie d'autant plus précieuse sans doute qu'elle ne nous habite que par instants.

Des instants lumineux.





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