jeudi 8 décembre 2011

L'Europe et les chocs


(Le jour du début du Sommet européen de Bruxelles des 8 et 9 Décembre lors duquel la question d'un Traité européen doit être abordée et discutée)

Interrogé sur la portée du Sommet Européen à venir au vu du projet de Traité qui semble décalé par rapport à la crise qui sévit et aux exigences immédiates des agences et des marchés avec l'incidence connue sur la charge de la dette des Etats membres, le Ministre de l'Economie Français a répondu le 7 Décembre, qu'il s'agissait de "créer un choc de confiance".

Il nous aura fallu relire par deux fois tant l'expression était à la fois représentative et aberrante. Que la confiance de tous les acteurs, y compris les victimes si l'on en juge par les indicateurs relatifs aux ménages et aux entreprises, en la capacité de l'Economie européenne de rebondir soit menacée, voilà qui est évident. Ils tous, sans exception, en état de choc.

Agences de notation et investisseurs ne cessant toutefois de réclamer un traitement de choc auquel les politiques n'entendent visiblement rien, obsédés qu'ils sont par une orthodoxie, voire un dogmatisme néo-libéraux paralysants faits de crainte d'une hyper-inflation et de cécité à l'égard du besoin de croissance qui les empêche de libérer la force de frappe stabilisatrice sur le plan monétaire à la fois de la BCE et du FESF mort-né. 
La BCE et le FESF, deux clé à choc qu'on aurait pourtant pu faire évoluer lors de ce sommet pour les utiliser efficacement contre la crise systémique qui sévit. Ce ne sera pas le cas, hélas. 

Se trompant de diagnostic, les politiques en Sommet à Bruxelles ces 8 et 9 décembre s'apprêtent donc à administrer à l'Europe un remède qui sera pire que le mal, sous la forme de l'électrochoc constitutionnel d'un Traité à 27 ou, si les médecins penchés au chevet du malade divergent, d'un accord intergouvernemental à 17.

Electrochoc qui consiste à durcir encore davantage le cadre budgétaire contraignant de Maastricht à travers un règle d'or et des sanctions automatiques en cas de dérapage budgétaire, sans oublier un contrôle a priori des budgets nationaux, avec le colossal problème politique d'une perte de souveraineté que cela implique et qui n'est compensée par absolument rien. 

De quoi choquer profondément les opinions publiques et les citoyens, qui ne pourront que s'en souvenir pour toutes les échéances électorales à venir. De quoi heurter également leur rapport à un fédéralisme en cours de déploiement accéléré qu'ils savent nécessaire mais auquel il serait indispensable de les faire adhérer de façon démocratique et active, rien moins que l'avenir des nations européennes étant en train de s'écrire. 

De mauvais diagnostic en remède inadéquat, on ne sera pas étonné dans l'avenir, de devoir subir l'onde de choc d'une construction européenne qui se fait à marche forcée, mais à contre-temps des moyens véritablement requis dont les liquidités et la solidarité devraient être les maîtres mots immédiats. Mais voilà bien les fantômes du Sommet. 

Des chocs endurés, les européens ne sont donc pas au terme, la crise étant appelée à perdurer comme à s'aggraver. De chocs dus à la rigueur à travers les plans du même nom inévitablement appelés à s'empiler - François Fillon n'en annonce-t-il pas un 3ème de façon choc -, l'Europe n'étant pas parvenue au terme.

On est bien loin du "choc de confiance" irénique appelé de ses voeux par le naïf ou manipulateur Ministre français.

Quant au choc des titans entre la France et l'Allemagne dans la phase préparatoire à ce Sommet, violent à l'extrême tant Berlin s'est montré hégémonique et intransigeant, il est presque devenu dérisoire aujourd'hui, trois jours plus tard, les agences de notation s'étant invitées à la table des négociations (Lire sur ce blog: "Agences de notation: et si on arrêtait de dire n'importe quoi?") - comment avait-on pu les oublier?- afin de rappeler les priorités, justifiées, en dégradant massivement la totalité de ce qui, de près ou de loin, représente une institution financière au sein de la zone euro, rien n'étant épargné; Etats, Banques, Collectivités, FESF, Zone elle-même. 
Il n'y aura pas eu le moindre pare-choc pour atténuer l'effet de cette mise sous surveillance négative universelle de la zone. 

Il ne servira à rien d'en être choqué. Ce n'est pas le thermomètre qu'il faut dénoncer, mais l'incompétence des médecins traitants. Qui n'auront pas su se rappeler les engagements de 2008 à propos de la gouvernance financière mondiale prévue par l'accord de Bâle III, qu'on aura oubliée, comme tout ce qui aurait pourtant du être premièrement considéré pour anticiper les chocs futurs qui n'ont pas manqué de se réaliser. 

Alors bien sûr, au soir du deuxième jour du Sommet, on assénera aux citoyens un discours choc sur la nécessité qu'il y avait à intervenir de la sorte. Mais qui sera tout aussi théâtral, n'en doutons pas, qu'inadapté aux contraintes économique et financières réelles du moment.

Choc après choc, crise après crise, spasme après spasme de l'économie européenne, il faudra recommencer. Mais on ferait bien de se souvenir qu'on ne peut utiliser la thérapie de l'électrochoc comme une méthode ordinaire et renouvelable sans précautions.

Le patient Europe pourrait bien succomber. Comme on succombe par exemple à un choc anaphylactique, privé de toute faculté de respiration budgétaire, économiquement et financièrement asphyxié par la rigueur. Ce qu'on nomme sur un plan économique l'hyper-récession, et qui est écrite dans les mesures ou les non-mesures adoptées précisément.

Voilà qui cause ou devrait causer un choc à quiconque observe aujourd'hui attentivement l'Europe en devenir. 

Le risque étant non négligeable de demeurer sous le choc, incontestablement.


Capture d'écran du site Reuters France 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Vous avez la parole!