lundi 19 décembre 2011

A propos des vacances et du temps libre


Réflexion philosophique de circonstance

(Le Lundi de la première semaine des vacances scolaires de Noël 2011


Vacances: moment lors duquel, "d'être sans", on retrouve pleinement la faculté si précieuse "d'être avec" (soi, les siens, le Monde) de façon choisie. 

Voilà pourquoi "être de loisir" est sans doute l'une des choses les plus importantes qui soit, le temps libre méritant d'être recherché et pensé autant sinon plus que le travail lorsque celui-ci est en tout ou partie aliénant, ce qui est hélas si fréquent sinon universel dans une économie productiviste et un espace social structurellement consumériste. 

Un temps libre qui ne saurait se contenter de passe-temps. Car l'art de vivre, qui réclame de prendre son temps, et pour citer un président amis des lettres "de donner du temps au temps", s'accommode mal du fait de perdre son temps. 
Précisément parce que ce temps rendu à lui-même (et voilà pourquoi il est appelé "libre") mérite d'être habité pour faire sens.

Habité de soi, les vacances constituant un continuum spatio-temporel dans lequel on peut "se retrouver" (mais l'on s'était perdu alors?) soi-même; retrouver ceux que l'on apprécie, que l'on aime que l'on cherche à connaître; et même retrouver un monde redevenu espace de découverte, de contemplation, d'expression du corps, ou de culture de soi. Ce qui constitue un immense travail intellectuel, relationnel, intérieur, physique. 

On ne travaille en réalité jamais autant que lorsque les vacances sont "bien remplies", ce qui ne signifie pas quantitativement saturées par des occupations dans lesquelles on ne chercherait encore, consciemment ou non, qu'à éviter le face à face avec soi-même, avec les autres, avec le monde. 

Des vacances réussies sont celles lors desquelles le temps aura cessé d'être la mesure objective du mouvement qui nous asservit dont parlait Aristote, et aura été domestiqué et réapproprié pour re-devenir le paradigme de notre expérience intérieure, même si le temps des vacances est consacré à parcourir tout ou partie de l'espace du Monde. 

Un temps qu'on ne verra pas passer ou qui semblera une éternité (mais pourtant c'est la même quantité) selon que nous l'aurons habité de façon harmonieuse ou pas. Ce que Kant voulait très exactement dire lorsqu'il en fit une forme a priori de la sensibilité, ouvrant la voie à la théorisation de la découverte radicale et existentielle du sujet par soi. 

Les vacances constituent donc, mais c'est pourquoi nous entretenons avec elles une relation si singulière, un moment privilégié de l'une des expériences métaphysiques par excellence: celle du temps comme dimension de soi. Un soi qui n'existe que dans et par la temporalité.

Où l'on comprend que plus l'univers intérieur est riche, plus ce temps des vacances est plein, et moins l'on éprouve le besoin de se "dis-traire" ou de se "di-vertir" - ce qui revient à se fuir sous prétexte d'échapper au quotidien, qu'on repense ici à Pascal par exemple - pour au contraire rechercher des plaisirs authentiques qu'on reconnait à ce qu'ils nous ajoutent quelque chose, jusque sous la forme de la précieuse réminiscence, et qu'ils ne sont pas perdus une fois que le temps des vacances est passé. 

Un temps des vacances qui a ceci de bien particulier que si l'on ne s'y perd pas mais qu'au contraire on s'y retrouve, sa durée étant celle de l'éternité des instants qu'on aura peut-être voulus et rendus magiques par le fait-même. Voilà pourquoi les vacances peuvent être de merveilleux moments.

Où l'on repense par exemple à Bachelard qui manifesta dans L'intuition de l'instant que "Le temps n'a qu'une réalité, celle de l'Instant. Autrement dit, le temps est une réalité resserrée sur l'instant et suspendue entre deux néants". 

Les vacances, instant suspendu privilégié donc parce que l'être a l'occasion d'y réapparaître à lui-même, dans la reconquête du temps intérieur qui dure éternellement parce qu'il est éprouvé à l'état originel comme durée intérieure pure et non plus comme ce temps qui s'écoule plutôt lentement par ailleurs pour la plupart de ceux dont le travail est hélas synonyme d'abandon de soi et de "perte de temps", même si l'on y trouve un "gagne-pain", les mots parlant d'eux-mêmes. 

Il n'y a rien au fond de plus sérieux que les vacances qui sont l'espace-temps de la coïncidence parfaite parce que libre, de soi avec soi, de soi avec autrui, de soi avec le monde. Il importe d'en prendre à temps, avant que le travail signifie la dispersion de soi, voire son anéantissement, symboliques ou réels.

Elle viennent à temps pour ceux qui en prennent peut-être en ce moment; le temps se fait long sans doute pour ceux qui les espèrent et les prendront peut-être dans quelques jours; elles s'imposent tout autant pour ceux qui ne peuvent pas en prendre quelles que soient les raisons, devenant un horizon pourtant nécessaire puisqu'elles riment avec liberté et affirmation de soi.

Quel que soit le cas de figure, actuelles, prochaines, futures ou espérées,

Bonnes vacances et belles journée à tous!




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