lundi 5 décembre 2011

Keith Jarrett interprète de Summertime: quand l'homme devint rythme



De sa main gauche la basse il revisita, pour la rendre obstinée (c'était son hommage au baroque), obsédée, obsédante, tellurique, percussion pure;

De sa main droite il brisa nette la ligne mélodique pour la réinventer sous la forme d'une structure musicale pure elle aussi, décomposée à l'extrême, qu'il fit jouer à contre-temps de l'autre, véritable polyphonie rythmique;

Les harmoniques épurées quant à elles comme jamais, il ramena de façon audacieuse à leur quintessence, flirtant sans cesse avec les dissonances, le standard s'en trouvant à la fois dénaturé et transcendé;

Son corps, dont les pouces des deux mains étaient devenus, littéralement, la colonne vertébrale, il projeta hors de lui même sur et dans le clavier, le piano représentant désormais son propre squelette dont tous ses mouvements n'étaient que la manifestation et le prolongement;

Sa voix n'y tint plus qui, comme un cri, épousa l'infernale scansion;

Il se passa là quelque chose relevant à la fois de l'infiniment sensuel, du charnel, du fusionnel, de l'ordre de la mutation puisque c'était le piano qui se servait à présent de lui, après l'avoir ensorcelé;

L'homme était devenu rythme.




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