jeudi 15 décembre 2011

A propos de l'interprétation de l'Allegretto de la 7ème symphonie de Beethoven par Furtwängler


Furtwängler, l'un des plus grands sinon le plus grand spécialiste des symphonies de Beethoven de tous les temps (ce qui ne sera pas faire offense par exemple à Karajan qui fut l'un de ses disciples spirituels). Aux prises ici avec l'Allegretto de la VIIème du Géant.

Où l'on se concentrera sur le Chef d'Orchestre.

Tout l'art du maître est là: vision globale de l'oeuvre en même temps qu'un sens inouï du détail, manière de faire chanter chaque pupitre de façon magnifiquement claire, maîtrise parfaite de la couleur de chaque instrument qui permet de faire ressortir le motif à partir du travail orchestral sur la couleur et non pas sur l'intensité sonore, tension, densité, lyrisme, maîtrise absolue d'un tempo structuré autour d'infimes variations dans un ensemble d'une rigueur parachevée qui font toute la dynamique de l'interprétation de l'opus, refus du brillant gratuit, et par extension mise en retrait totale de l'orchestre et de son chef au service complet de l'oeuvre.

Furtwängler avait ici sous sa direction certainement l'une des trois plus grandes formations symphoniques au monde d'alors, avec l'Orchestre Philarmonique de Vienne. On comprend aisément que tout contribue à ce que l'interprétation relève du sublime.
Deux illustrations de cela parmi de nombreuses: la grandeur bouleversante de l'exposé du thème par les violons, vertigineux d'intensité, de densité et d'expressivité à 1:00, et la beauté sidérale des pizzicati à partir de 8:43 avec un sommet à 9:00 qui sera tenu jusqu'à la fin.

Tout Furwängler est dans ces quelques notes: créer un volume sonore avant tout chargé de sens et ample (délié) indissociable d'une dimension expressive majeure, en concentrant l'effort sur l'exécution du pincement des cordes qui doit être parfait parce que Beethoven a voulu que l'expressivité vienne de là. Ce qui est en soi contre-nature, puisqu'une corde pincée produit par définition moins de volume sonore qu'une corde frottée. Et pourtant, la perfection de l'unité de l'exécution ainsi que celle de la qualité du geste technique des violonistes exigées par le maître fait merveille: la matière sonore se répand, enveloppant tout l'orchestre et habitant le silence avec intensité.

Résoudre l'équation globale en travaillant de façon parfaite le détail. Tel est le sceau de Furtwängler. Et l'intention beethovenienne ressort pleinement, s'agissant de manifester l'énigme faite de pointillés sonores qui conclut un Allegretto placé sous le signe de l'espoir vaincu, avant le 3ème mouvement qui fera place à l'espoir qui renaît.

Car, il ne faut pas l'oublier, nous sommes dans une symphonie dans laquelle le thème du destin, central dans la symbolique symphonique de Beethoven, est omniprésent. D'où l'importance pour le Chef de traduire avec une grande clarté à la fois la persistance des thèmes récurrents et la spécificité des inflexions de tous ordres. Ce en quoi Furtwängler réussit admirablement.

Un point encore: L'enregistrement est public. Vous y percevrez quelque chose de particulier et d'indéfinissable sans doute (et pas seulement les bruits qu'on oublie vite). La raison en est peut-être que c'est l'un des tous derniers concerts de Furtwängler sinon le dernier. Nous sommes le 30 Août 1954; il décédera le 30 Novembre 1954.

Il est ici au sommet de son art, et pour une symphonie entre crépuscule et lumière; un mouvement entre marche funèbre et espoir; Furtwängler distille quelque chose qui relève de la synthèse accomplie, et du regard apaisé qu'on pose sur le monde quand on sait que tout est écrit désormais.

C'est peu dire que cette interprétation est sublime. Et l'on comprend pourquoi elle est de référence, sinon, répétons-le, "la" référence.




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