lundi 7 novembre 2011

Facebook: fermez vos placards!




Mes biens chers amis virtuels, 

Peut-être vais-je perdre certains d'entre vous en écrivant ce qui suit, sans pour autant y renoncer. Car si l'authenticité a une valeur, elle a aussi un prix. Et celle que je vous dois vaut plus que la complaisance qui consisterait à procéder autrement.

Je voudrais-vous dire donc, que l'inflation de "placards", d'images préfabriquées frappées de "pensées", de "réflexions" graphiquement cadrées et encadrées, dont mon mur est le support (la victime?) - mais le votre aussi manifestement si j'en juge par le nombre de "partages"- m'interpelle profondément.

A bon nombre de ces pseudo pensées, de ces pseudo réflexions, de ce prêt à penser virtuel socialisé, je préfère VOS pensées. VOS réflexions. VOS regards. VOS coups de gueule. VOS engouements. VOS coups de coeur. VOS théories. VOS thèses. VOS arguments. VOS raccourcis. VOS parti-pris. Bref, tout ce qui est vous et votre regard depuis le monde et sur le monde.

Car enfin, ces placards ne "pensent" pas. Ne donnent pas même à "penser", tout en se parant d'une apparente légitimité au nom du fait que l'écrit a été projeté là et que le fait d'avoir été "encadré" reviendrait à avoir été "consacré". 

Ces placards donc, donnent à "véhiculer" mais pas à saisir; à créer un consensus mou; à fédérer en gommant des individualités, et a fortiori des différences pourtant précieuses; à colporter des propos souvent bien pensants (et donc dangereux), régulièrement convenus, souvent odieusement réactionnaires, parfois et même souvent néo-fascistes sous couvert de "bons sentiments", consciemment ou inconsciemment pervers, quasi immanquablement superficiels, tellement généraux qu'ils n'offrent aucun support à une réflexion authentique, de quelque nature qu'elle soit; à servir un marketing conversationnel souvent affligeant. 

Bref ces placards ne sont rien d'autre à mes yeux que de la "démagogie 2.0". Un concentré de "Non-pensées virtuelles et socialisées" dont la seule consistance vient de l'amplification. Qui n'appellent pas la pensée mais la tuent. Qui ne provoquent ni ne soutiennent l'échange mais l'atrophient.

Je lis, régulièrement en commentaire de ces placards "je ne saurais dire mieux"; "c'est si bien dit qu'il n'y a rien à ajouter"; "excellent". Comme si le placard avait confisqué la réflexion et l'échange véritable. Comme si le placard dispensait de penser parce qu'il avait pensé pour tous et qu'il suffisait d'adhérer ou pas. Comme si la pensée 2.0 vidait la pensée tout court de sa substance. 

Je n'en dis pas autant des images, qui elles, n'enferment pas la pensée mais la provoquent, l'appellent, la suscite. Tout comme l'échange. Tout comme l'émotion.

Vous l'avez compris: je n'aime pas vous voir sur mon mur à travers ces placards. 

Ils ne vous reflètent pas mais vous trahissent, leur vacuité véhiculant parfois, souvent, dans leur généralité consensuelle, l'inverse de ce que vous êtes et/ou pensez vraiment dès lors qu'on approfondit un peu. Ils n'expriment pas votre pensée mais vous noient dans l'océan d'une opinion inconsistante. Ils ne vous rendent pas présents mais vous éloignent. Ils ne sont pas VOUS. 

Or c'est avec VOUS que j'aime échanger ici, même en 3 mots. C'est avec VOUS que j'apprécie de nourrir un débat ou une controverse. C'est avec VOTRE réflexion que la mienne aime à se déployer ici, dans cet univers virtuel ou échangent néanmoins des êtres bien réels, dans l'osmose, dans la contradiction, dans la dialectique, peu m'importe tant qu'il s'agit de VOUS.

L'un des grands dangers - l'une des pentes naturelles? - des réseaux sociaux est de transformer l'échange, le partage, la réflexion, puisque c'est cela qui motive le présent propos, en "marketing conversationnel" formaté. Ces "placards" et leur utilisation participent de cette logique là. 

Certes, on peut promouvoir une approche fonctionnelle, économique et productiviste des réseaux sociaux telle que ces "placards" deviendraient l'alpha et l'oméga de l'échange intellectuel. 

Permettez-moi de penser que nos échanges intellectuels sur un réseau social comme Facebook, de VOUS à MOI et à NOUS, quelle qu'en soit la forme, la fréquence, la portée, le niveau de proximité, la portée dialectique, valent mieux que ces "placards" qui ne pensent rien et participent même d'une déconstruction majeure de la pensée et du partage, en leur substituant le grégarisme et ses travers, voire ses dangers.

Ma seule préoccupation intellectuelle ici, c'est l'échange avec VOUS. Pas la confrontation passive avec un "ON" inconnu promu en paradigme intellectuel par la force de la projection de quelques mots dans un "cadre" physique, au demeurant plus ou moins réussi sur le plan esthétique, censé leur conférer une portée et une légitimité qu'ils n'auraient pas en dehors de cela.

Que vivent VOS mots, VOS pensées, et NOS échanges à travers cela!


Un placard parmi tant d'autres


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