jeudi 24 novembre 2011

Lettre à la Candidate Eva Joly

Billet écrit et publié le 23/11/2011 sur les réseaux sociaux



Chère Madame,

J'ai la plus grande admiration et le plus grand respect pour votre action passée de magistrate. Vous avez su être très courageuse, y compris au péril de votre vie. Et vous nous avez été précieuse.
En tant que démocrate, j'ai le même respect pour vos convictions profondes qui parlent de l'essence de l'avenir. De notre avenir commun.

Mais l'angélique pureté n'est pas de mise en politique qui est l'art du compromis. Et l'essence de toute culture de gouvernement. Gouverner c'est avoir les mains à moitié propres et à moitié sales. L'important étant la façon et surtout la mesure avec laquelle vous allez faire avancer vos thèses, ce qu'on ne voit qu'à la fin. Nous ne sommes pas dans le Cabinet d'un magistrat instructeur qui va dire la vérité mais dans le creuset de l'histoire ou se crée la vérité politique qui n'est jamais pure ou parfaite. Votre principale qualité est sans doute en train de devenir votre principal défaut, pour ne pas dire votre pire ennemi. Mais pas que le votre, et tout est là.

Si vous ne le saviez pas, il fallait l'apprendre. Et si vous le saviez, alors pourquoi avoir accepté une telle responsabilité en tant que candidate pour manquer ensuite de façon aussi caricaturale à votre rôle comme à votre fonction, essentielle, sur l'échiquier politique et même sous le rapport de la vie démocratique de Notre nation (qui en a bien besoin) que vous contribuez à fragiliser, désespérant les vôtres et provoquant des déséquilibres majeurs autant qu'une "anecdotisation" du débat politique que vous entendiez pourtant combattre.

Car à qui allez-vous faire croire que vous découvrez la puissance du lobby nucléaire français en général et d'Areva en particulier? Vous avez eu des années pour vous préparer à la chose. Une campagne présidentielle est un combat à mort. Il fallait négocier autrement votre accord avec le PS, pour ne plus avoir à y revenir après, devenant la risée de toute la Nation. Ou vous démettre en cas d'impasse, de votre point de vue, au profit d'un autre candidat choisi dans vos rangs. Et vos prises de distance sur l'air de "ce n'est pas moi qui ai négocié mais j'ai néanmoins pesé" sont presque risibles si elles n'étaient politiquement calamiteuses. Qui relèvent davantage d'un congrès fédéral des Verts que d'un débat politique national et d'un accord bipartite entre deux forces politiques majeures confrontées à un parti présidentiel puissant et déterminé.

Vous posez des problèmes aux Verts, et aux Socialistes. Vous donnez à la majorité que vous dites affronter des armes remarquables et pérennes. La responsabilité d'un candidat à la présidentielle n'est pas un vain mot. 
Avez-vous vu les contorsions pitoyables que Noël Mamère est contraint de faire pour tenter de vous protéger, allant jusqu'à dire qu'il faut "vous protéger des débats", donnant ainsi raison à M Copé qui s'est gaussé de vous la semaine passée en disant que vous n'osiez pas débattre avec lui? 
Et votre réaffirmation tardive, et comme coupable, non crédible et purement politique elle, de fin d'après-midi sur votre "appel à voter Hollande" au second tour ne change rien à l'affaire.

Mais vous savez tout cela. Alors? Alors la politique est un art de la guerre. Il faut parfois contracter des alliances pour parvenir à ses fins. Et qui dit alliance dit concessions, y compris et parfois sur des sujets clés et dans des positions délicates. Or alliance et concession, même majeure, même transitoire, ne signifie pas reniement. 
Pour faire avancer vos thèses, votre accord de mandature avec le PS vous donne déjà 30 Sièges en cas de victoire de la Gauche. Et la Présidence d'un groupe à l'Assemblée dont les vôtres sont aujourd'hui anormalement privés. Mais encore faut-il que vous soyez là avec vos amis au 2nd tour (n'oubliez pas Marine Le Pen en embuscade) et a fortiori vainqueurs comme vous le souhaitez. Ce qui risque fort de ne pas advenir si vous persistez dans cette approche psychologisante de la politique, vos positions étant l'exact reflet de vos états d'âme. 

Et surtout ne nous rejouez pas la mélodie du "le vote utile est une machine à niveler le débat politique et à renforcer la captation du débat politique comme la structuration de toute la vie politique autour de deux grands partis". Car pour l'heure, alors que votre force est constituée et réelle, vous contribuez par vous même à décrédibiliser l'écologie politique et ruiner son avènement dans notre espace républicain. C'est dire si votre faute est grande qui dépasse même les enjeux électoraux immédiats.

Ignorants que nous sommes de votre état de santé réel au regard des conditions himalayenne et/ou tropicales sèches que vous allez devoir affronter dans le cadre de cette campagne dure qui ne fait que commencer, nous vous souhaitons donc un bon et prompt rétablissement, ou s'il devait s'avérer que celui-ci est impossible dans l'immédiat, d'avoir la lucidité de passer la main à l'un des vôtres qui sera à la hauteur, c'est à dire apte à tenir le cap, ce qui implique parfois de mettre à la cape lorsque le temps se fait gros, si l'on ne veut pas perdre le navire corps et biens. Il y a de toute évidence urgence à prendre une décision de capitaine. D'autre parleraient et parlent à ce sujet de "stature" d'un candidat. Précisément. 

Capture d'écran du site lemonde.fr


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Vous avez la parole!