jeudi 24 novembre 2011

Un jour de carence symbole de l'électoralisme ordinaire


Billet publié le 22/11/2011 sur Facebook

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Résumons-nous:
1) Si la mesure ne servait à rien, pourquoi l'avoir retenue pour le plan de rigueur ? Le Premier Ministre et l'ensemble du gouvernement, des conseillers et de leurs propres conseils dans la haute fonction publique seraient-ils incompétents? Trop caricatural.

2) Si la mesure sert à quelque chose, pourquoi la supprimer? La motivation (manipulation) électoraliste surgit alors dans toute sa clarté. Le non-candidat Sarkozy qui est remonté de 8 points dans les sondages en 8 jours se dit qu'il faut engranger les intentions de vote pour faire pièce à son concurrent. Quoi de mieux que redonner avec générosité ce qu'on a prix avec violence? On touche au coeur du sujet.

3) Par ailleurs, on ne retire pas le jour de carence appliqué à la fonction publique. D'où l'intérêt: on dresse la France du secteur public contre la France du secteur privé. Aucune importance puisqu'on sait que l'électorat de la fonction publique, avec quelques bastions importants majoritairement de gauche, est déjà perdu. Et on reprend la main sur le plan électoral avec les salariés du secteur privé, beaucoup plus nombreux. La guerre des deux France est stimulée pour plus d'efficacité politique. Les citoyens apprécieront.

4) En prenant un peu de hauteur, on peut concevoir que l'Exécutif sait à présent, au regard de l'envolée d'hier du taux à 10 ans, que la France va perdre son AAA. Donc, perdu pour perdu, autant se redonner un peu de marges de manoeuvres politiques sur le dos de la dette, en octroyant une largesse non financée (puisque le plan de rigueur la prévoyait), le delta n'étant pas si énorme que ça. 
C'est en jouant ainsi sur la plupart des sujets budgétaires qu'on a fabriqué 400 milliards d'euros (sur les 500 milliards) de dette supplémentaire en 4 ans et demi.

5) Ou encore, on déséquilibre volontairement le budget afin d'accélérer la mise en oeuvre de la TVA sociale et de couper l'herbe sous le pied du concurrent socialiste, s'agissant d'un chantier explosif mais qu'on fera d'autant mieux passer qu'on aura lâché du leste sur un sujet symbolique.

6) Subsidiairement, on appréciera le désaveu total de la politique budgétaire conduite par le Premier Ministre, une fois de plus, au mépris le plus total de la logique institutionnelle de la Vème République. Mais il est vrai que concrètement, elle n'existe plus, le Premier Ministre étant devenu un Hyper Directeur de Cabinet. 

De l'art de sacrifier la définition et la conduite de la politique de la Nation à des enjeux électoraux. CQFD.
Et vous voudriez que Marine le Pen ne connaisse pas une percée fulgurante?

*


Electoralisme (suite)

Ainsi donc, nous apprenons que ce serait à la demande des députés UMP et plus exactement de la droite de la droite (les arguments étant justes au demeurant qui concernent les 35% de salariés du privés non couverts en cas d'arrêt maladie) que F Fillon aurait annoncé la suppression du 4ème jour de carence dans le secteur privé (seulement). Ce qui non seulement ne retire rien à ma précédente analyse de ce jour en temps réel, mais la confirme.


Addenda

1) Si l'on ne renonce pas aux 220 millions d'euros d'économie tout en lâchant sur la forme, la raison ne peut être que brutalement électorale. On grince visiblement des dents dans la majorité présidentielle. Or le non-candidat a impérativement besoin du soutien de sa majorité. Donc on lâche du lest pour que tous les parlementaires soient mobilisés le moment venu.

2) Pourquoi n'avoir pas envisagé une alternative dès la présentation du plan de rigueur? Tout simplement parce que la mesure était à double détente. 

A) On impose une carence de un jour à tous qui est en réalité une innovation radicale pour certains: les salariés du secteur public B) Puis on retire la mesure pour les salariés du secteur privé tout en la conservant à l'adresse du secteur public. On a donc bien progressé pour ce qui est de l'alignement (de principe) par la force du secteur public sur le secteur privé. De l'art de jouer les "deux France " l'une contre l'autre. Dans un contexte électoral.

3) Pourquoi les députés UMP ou a minima leur représentants et surtout les Présidents de la Commission des Finances (Jérôme Cahuzac) et des Affaires Sociales (Pierre Méhaignerie) n'ont-ils pas été consultés dès lendemain du G20 de Cannes pour travailler, même dans l'urgence, sur le train de mesures économiquement justifié et socialement comme politiquement acceptable? Paradoxalement par autoritarisme de l'exécutif qui sera passé outre le rôle du parlement pour satisfaire la demande immédiate des marchés, pour faire oublier la situation catastrophique de l'économie française voilée lors du G20, privilégiant ainsi la prise en charge économique de l'incendie qui devait être éteint toutes affaires cessantes à une logique politique de construction d'un budget de rigueur qui aurait mérité un consensus politique sur les arbitrages lourds ou symboliques. Exit la politique donc lorsqu'il s'agit pourtant de rien moins que du Budget de la Nation. Mais retour en force de la politique politicienne dès lors que l'on grogne dans l'hémicycle sur les bancs de la majorité. De l'électoralisme de base, suite.

Quoi qu'il advienne de la nouvelle mesure, on voit bien que budgétairement, on cède par priorité absolue à des maîtres souverains extérieurs, les marchés. Puis que l'on habille la décision économique, plus ou moins bien puisqu'il fait revoir la copie, afin qu'elle soit politiquement et électoralement acceptable. 

Pour étendre le propos, la soumission à un ordre économique externe directement contraignant via le financement de la dette, ne fait que renforcer l'expression de la limite extrême du pouvoir; une forme autoritaire d'exercice du pouvoir démocratique laissant de moins en moins de place à la représentation et donc à la souveraineté; la tentation naturelle des politiques de ne plus apprécier les mesures qu'à l'aune de leur incidence électorale au mépris du consensus démocratique indispensable seul synonyme de pérennité et de stabilité, a fortiori lorsque les options budgétaires ne renvoient qu'à des mesures de rigueur.

Le système de capitalisme de la dépendance dans lequel nous sommes entrés flatte la politique dans ce qu'elle a de pire: la démagogie.


capture d'écran du site 20minutes.fr



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