mardi 15 novembre 2011

Goldman Sachs et l'Europe: l'inutile théorie du complot


Mais enfin, pourquoi suspecter une quelconque théorie du complot?

Comment peut-on être naïf au point de croire que Goldman Sachs aurait eu besoin de cacher quoi que ce soit, plaçant dans l'ombre ses hommes afin de mettre l'ensemble des économies sous contrôle ?!

Tout s'est fait absolument au grand jour, depuis les années 60 avec Milton Friedman et le véritable viol d'alors des pays en voie de développement et en difficulté afin de les faire entrer de force dans l'ère néo-libérale. Viol conjugué à une gigantesque entreprise de conversion des élites, et ce dès leur formation à l'université, dont le but avoué était de faire entrer dans une ère économique repoussant définitivement et par méthode les Etats hors du champ de l'économique, dans une tentative historique d'anéantissement de l'ère de Roosevelt et de celle de Keynes. 

Il fallait tuer littéralement une conception à caractère humain et empathique, ainsi que politique d'une l'économie au service des peuples, et lui substituer une approche dans laquelle l'économie se suffit à elle-même, devient son propre paradigme. Ce qui fut fait il y a près de 50 ans aujourd'hui! 

Aussi pourquoi s'émouvoir à présent et ainsi, en découvrant que nombre d'acteurs politiques "clés" sont initialement des acteurs financiers d'un système qui s'est déployé au vu et au su de tous?! 

Au grand jour et avec la bénédiction des dirigeants des pays industrialisés ainsi que des instances financières internationales qui furent dès lors non pas "noyautées", mais immédiatement converties à la doctrine de la main invisible et de l'équilibre naturel des forces du marché. Converties parce qu'entre les mains de dirigeants eux-mêmes formés à cela et convaincus de la pertinence de cette doctrine. 

Même si d'emblée de graves déséquilibres structurels sont apparus, un temps masqués par les 30 glorieuses et l'illusion d'une croissance indéfinie ainsi que du plein emploi. Mais tant qu'on raisonne du point de vue de la richesse globale produite, de la croissance globale des économies, sans se soucier des déséquilibres, des disparités, des injustices (mais le terme même n'a aucun sens du point de vue de cette doctrine), les crises ne sont que des hoquets de l'histoire, des épiphénomènes qui ne remettent pas en cause la grande marche des économies vers toujours plus de richesse. Et peu importe les peuples, les Etats, les personnes, les citoyens! 

Mais pourquoi s'indigner, s'étonner, rechercher autre chose que le fait: chaque Etat, chaque université, chaque Grande Ecole, chaque Banque Centrale, chaque Instance supranationale, chaque Banque d'Investissement et pas seulement, chaque Agence de notation, chaque Entreprise, et chacun des hommes ayant des responsabilités au sein de chacune de ces entités savait parfaitement quelle était la règle du jeu, l'avait acceptée, s'en remettait à elle. 
Il n'est besoin d'aucun complot pour expliquer la confusion des genres et l'impérialisme idéologique néo-libéral. Il s'est imposé avec la pleine, entière et libre adhésion de tous! Même si, sur le fond, il s'agissait d'un aveuglement collectif. Que certains ont dénoncé. Mais si peu. Et qu'on n'écouta guère. 

Au grand jour et avec la participation active d'une Europe et de ses dirigeants qui, par application de cette idéologie, s'est structurée uniquement autour de la logique du grand marché et de la monnaie unique dont la BCE, gardien du temple de l'euro fort et du non interventionnisme (y compris dans ses statuts), ainsi que la Commission, gardien du temple de l'idéologie néo-libérale quant à elle, idéologie appliquée à absolument tous les domaines de l'économie, de la santé à l'énergie passant par l'éducation, les services ou la banque précisément, sans que rigoureusement aucun secteur de l'activité économique échappe à cette prédation idéologique du "laisser-faire"- dont la BCE et la Commission Européenne donc, constituent les pivots et les promoteurs efficaces et zélés. 

Goldman Sachs n'a rien eu à cacher! Les artisans de l'actuelle zone euro ont tous, sans exception, été formés à l'idéologie héritée de Friedman. Il doivent à ce dernier jusqu'à leur carrière. Il est donc on ne peut plus logique que le pouvoir des Etats recule jusqu'à devenir inexistant; que le marché s'impose comme sa propre justification et le modèle de tout rapport; que le politique soit vidé de sa substance au profit de l'économique comme on le voit avec la Grèce et l'Italie et demain si rien n'est entrepris avec détermination par les peuples, avec la France, l'Espagne, le Portugal et tous les autres Etats; que les politiques soient transformés en mandataires, super-gestionnaires, super-managers, des Etats qu'ils représentent, mais uniquement comme porte-paroles des marchés et non plus comme hommes investis d'une légitimité tirée du souverain.

Pointer à présent une théorie du complot d'une banque d'investissement (comme s'il n'y en avait qu'une!) est profondément naïf; traduit un cruel manque de recul historique et d'analyse; et, plus grave, fait le lit de ce qu'on voudrait dénoncer. Car s'il y a complot, il s'agit d'un évènement "extra-ordinaire". Or précisément, le triomphe actuel, mais sur quelles ruines!, de l'idéologie néo-libérale est tout sauf extra-ordinaire. 

Pour prendre un peu de recul et disposer d'une approche conceptuelle qui elle, serait féconde, ce que l'indignation n'est pas fut-elle justifiée, on devrait bien plutôt considérer cet avènement comme celui de "la banalité du mal" théorisée par Hannah Arendt. 

Audacieux direz-vous, au regard du caractère unique de ce à quoi la philosophe avait appliqué le concept en question. A ceci près qu'en l'espèce, le néo-libéralisme déploie rien moins, avec la complicité de tous, sans exception, qu'un génocide universel. 

Il est grand temps que les peuples s'extraient de leur torpeur, et pour l'Europe d'aujourd'hui, dépassent leur posture outrée face à une Banque d'Investissement qui ne fait depuis toujours son travail qu'avec l'assentiment inconditionnel des Etats, leur participation active, et au grand jour, dans un environnement économique qui est intégralement structuré par cette funeste idéologie jusque dans les moindres détails (qu'on pense par exemple au pouvoir de sanction de la Commission ou à l'organisation en cours d'élaboration du dispositif du FESF) des institutions supranationales.

Citoyens européens, il n'est pas temps de vous indigner de façon ponctuelle face aux pratiques d'une banque, mais d'ouvrir les yeux, et de tirer les conséquences politiques du fait que vous êtes sacrifiés à une idéologie qui vous a progressivement et systématiquement dépossédés de votre puissance au cours de cinquante dernières années, la forme actuelle n'étant qu'une sorte d'apothéose (d'apocalypse?). 

N'attendez rien d'une révolution ou d'un grand soir, l'histoire du néo-libéralisme montre qu'il réussit toujours à écraser les peuples qui ne veulent pas courber l'échine (d'où l'importance et entre autres, du "laboratoire grec" pour l'Europe et même le Monde). Car cette idéologie est soeur, si nécessaire, de la dictature. 

Votre force vient de la conscience collective et partagée de ce fléau. Qui vous permettra d'imposer des alternatives. Qui ne peuvent être que d'essence politique. La crise actuelle est une crise économique et désormais globale conséquence d'une idéologie qui a prouvé qu'elle était erronée et qu'elle constituait une impasse en même temps quelle représentait le plus grand danger jamais apparu. 

La question donc devenant: les citoyens sont-ils prêts à reconquérir l'espace politique et à réaffirmer le primat de ce dernier sur l'économique?


Tour Goldman Sachs


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